#102 Les diamants d’Agnès Sorel

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By Anne Desmarest de Jotemps
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Vous le savez, j’aime vous raconter des histoires et légendes et cette fois encore je vous emmène rêver avec moi. Car si l’histoire d’Agnès Sorel est connue, la vérité c’est qu’on a jamais retrouvé ses bijoux.

Ce qui est sûr c’est que la loi somptuaire établi par Saint Louis réservait les diamants pour le Roi. Mais les témoignages disent qu’Agnès Sorel aurait porté des diamants offerts par Charles VII. Pour les uns ce sont des diamants taillés, pour les autres une bague, ou encore un collier. Qu’importe ! Car c’est à ce moment que le diamant devient le gage d’amour !

Agnès Sorel marque durablement son époque, l’histoire et le luxe. Cette année 2022 est celle du 600e anniversaire de sa naissance qui est célébré dans la Cité Royale de Loches jusqu’aux familles royales d’aujourd’hui.

En effet, ses descendants se comptent dans pas moins de 23 familles de têtes couronnées d’Europe. Ses 3 filles Marie, Charlotte et Jeanne sont légitimées par le roi et par sa cadette, elle est l’aïeule de Diane de Poitiers comme des princes et princesses d’Espagne, Italie, Roumanie ou encore de Bourbon-Parme.

Pourtant, Agnès était de petite noblesse. Son père, Jean est châtelain de Coudun près de Compiègne et sa mère Catherine de Maignelay est la fille du seigneur de Verneuil-en-Bourbonnais dans l’Allier. Elle serait née vers 1422, envoyée comme Dame de compagnie de Yolande d’Aragon, la mère du roi René de Sicile, le beau-frère de Charles VII. Puis elle devient Dame de compagnie de l’épouse du roi, Isabelle, duchesse de Lorraine. C’est dans cette cour fastueuse et brillante qu’Agnès reçoit son éducation aux arts et aux lettres et forme son goût du beau et de l’art de vivre.

La date de sa rencontre avec Charles VII n’est pas certaine et se situerait entre 1442 et 1443. Mais elle est dûe au fait que Marie d’Anjou, l’épouse de Charles VII est la soeur du roi René et que les cours se rencontrent en France. En tout cas, Charles VII tombe instantanément amoureux et pour avoir Agnès près de lui, se débrouille pour qu’elle devienne Demoiselle d’Honneur de son épouse, la reine de France.

A cette époque, la France est loin d’être rayonnante et le roi très loin d’être un personnage emblématique. Ce 5e roi de la lignée des Valois a pour père Charles VI qui avant de sombrer dans la folie avait signé en 1420 après la défaite d’Azincourt, le traité de Troyes qui devait laissé à sa mort la couronne de France en héritage aux Plantagenêt, rois d’Angleterre.

Par ailleurs, son oncle, Jean sans Peur a créé en Bourgogne, un état rebelle allié à l’Angleterre. Comme Charles était le 11e enfant, il n’était pas destiné à régner. Quand les décès successifs de ses frères et de son père en font l’héritier du royaume, sa mère Isabelle de Bavière entend conserver la régence en promettant la France au Roi d’Angleterre qui épouse sa fille Catherine de Valois, appuyée par Jean sans Peur qui envahira Paris, obligeant Charles VII à se réfugier à Bourges. Entouré de son camp appelé les Armagnacs et profitant de la mort du roi d’Angleterre, Charles VII se proclame roi de France sous le nom de Charles VII le 30 octobre 1422 mais il doit lutter à la fois contre l’Angleterre et les Bourguignons. C’est sa belle-mère, Yolande d’Aragon, dirigeante de la maison d’Anjou et reine de Sicile qui le soutient le plus et l’aide à créer des liens diplomatiques qui lui permettent de conserver un peu de pouvoir royal. A Chinon, le 25 février 1429, c’est Jeanne d’Arc qui lui dit : « Gentil dauphin, je te dis de la part de Messire Dieu que tu es vrai héritier du trône de France », et le convint de reprendre les armes, permettant ainsi qu’il soit sacré à Reims le 17 juillet 1429. Il la sacrifie, en la laissant aux mains des Anglais et le 21 septembre 1435 négocie le traité d’Arras qui signe la paix entre Bourguignon et Armagnac et cette fois le conflit bascule en faveur des français. Mais il n’est pas débarrassé des Anglais. Et c’est Agnès Sorel qui le décide à reprendre les armes en lui racontant qu’un astrologue lui avait prédit qu’elle serait aimée et servie par l’un des plus vaillants et courageux rois de la chrétienté et que s’il ne reprenait pas la guerre c’est certainement le roi d’Angleterre qui lui aurait été destiné. Alors il reprend la guerre et les négociations et en 1453 les Anglais ne détiennent plus que Calais.

Yolande, Jeanne, Agnès : chacune de ces femmes ont accompagné Charles VII concrètement ou psychologiquement pour qu’il devienne vraiment roi de France.

L’impact d’Agnès Sorel est plus important encore dans le domaine du luxe. Tout d’abord elle crée le statut de maitresse royale. Bien au delà d’un jugement moral sur ce qui se passe dans la couche des souverains, la fonction de favorite sera de détenir une influence majeure dans la politique et les sphères de pouvoir mais également dans le mécénat des arts avec des conséquences concrètes sur la consommation et le commerce du luxe. Un rôle a mi-chemin entre le mécène et le ministère de la Culture qui avait en plus l’avantage selon l’historien Guy Chaussinand-Nogaret d’éloigner l’oprobe de la figure royale pour la concentrer sur la favorite.

Avec beaucoup de subtilité, Agnès Sorel va instaurer ce rôle. D’abord elle ne cède pas tout de suite au roi, ce qui le rend très généreux. Et aux joutes royales de 1444, il n’hésite pas à imposer sa maîtresse qui apparait revêtue d’une armure d’argent incrustée de gemmes et cette année là, lui offre le château de Beauté-sur-Marne en lui disant « Vous êtes deux fois ma Dame de Beauté » qui lui vaut son surnom jusqu’à aujourd’hui.

Par ailleurs, tous les écrits sont unanimes : Agnès Sorel était très belle. Le plus célèbre portrait est celui de la Vierge à l’enfant par Jean Fouquet en 1450 qui est au Musée royal des Beaux Arts d’Anvers, ou la peinture de l’école de Jean Fouquet au chateau de Loches.

Pour paraitre elle s’appuie sur Jacques Coeur : Maître de l’Hôtel des Monnaies de Paris en 1436, il est anoblit en 1441 et devient Grand Argentier. C’est à dire qu’il gére le budget de l’Hôtel du Roi, et fixe donc les prix de l’import-export de tout ce que souhaite la cour. Et de 1443 à 1450, tout la cour suit la mode que lance Agnès Sorel. Du sultanat d’Egypte à Venise, il rassemble pour elle tout ce qui est beau et raffiné dans les arts décoratifs.

Agnès révolutionne le style vestimentaire. Les robes deviennent très longues avec une traine de 8 mètres bordée de marthre ou de zibeline, la taille est très mince mais le ventre, signe de fertilité est porté en avant. Elle a une jolie poitrine alors elle invente le décolleté jusqu’au épaule pour la souligner. Les Chroniques de Georges Chastelain relatent « Elle dans ses robes longues et luxueuses qui découvraient les épaules et les seins devant, jusqu’aux tétins ». Sous la robe, la chemise sera désormais en toile fine et non plus en laine. La coiffure sera immensément rehaussée.

Agnès lance la cosmétique et le soin du corps. Elle s’épile les sourcils et le haut du front, une zone jugée érotique à l’époque. Elle use d’onguents au miel et de lait d’anesse comme peeling, masque et crème anti-rides. Elle prend soin de ses cheveux qui sont blonds cendrés et que le roi admire. Elle se maquille pour accentuer le teint blanc qui est l’apanage de l’aristocratie avec des fards à base de farine et d’os de seiche et du rouge à lèvres à base de pétales de coquelicots.

Avec elle naît le mot « fashion » dérivé du français « façon » et s’impose l’idée que la beauté transforme le monde et que l’art de vivre impacte la société toute entière.

Et les bijoux !? Agnès Sorel porte des perles et des colliers en or. Elle lance la mode de ceintures ornées de pierreries. Des documents d’archives estimeraient la valeur globale de ses bijoux à 20 600 écus d’or de l’époque, ce qui représenterait aujourd’hui 20 millions d’euros. Et les diamants ? Certains disent que le roi lui offre le premier diamant taillé dont elle orne sa coiffure et que c’est pour cela que le diamant devient le symbole de l’amour qui dure. D’autres racontent que Jacques Coeur vend à Agnès le premier collier en diamants taillés. D’autres encore assurent que le plus gros diamant jamais vu que le roi avait offert à Agnès avait couté 30 000 écus. En fait, rien n’est sûr. Même les Amis de Jacques Coeur n’ont pu acertainé cette information. Parce que le seul fait certain c’est que le trésor d’Agnès Sorel n’a jamais été retrouvé. Des chasseurs de trésor imaginent qu’il est enfoui au chateau de Jumières. Des historiens pensent qu’il a été vendu par Jacques Coeur, son exécuteur testamentaire pour financer l’éducation de ses trois filles, nées de ses amours avec Charles VII. Encore aujourd’hui le mystère reste entier.

On connaît la haine que lui vouait le dauphin. On connaît sa grossesse fatale. On sait qu’elle n’a pas été empoisonné à l’arsenic. On a sauvegardé son tombeau et recréé son image numérique. Les scientifiques ont analysé ses restes, trouvé sa maladie et mesuré son taux de mercure.

Mais rien de ses bijoux.

Ce que je veux retenir c’est que si l’interdit de Saint Louis réservait les diamants au Roi ou au porteur de sang royal car il parait qu’Isabelle de bavières avait un diamant table, alors Agnès Sorel aurait été la première femme non royale à porter des diamants. Aussi j’aimerai penser que si aujourd’hui le diamant est le symbole de l’amour durable c’est grâce à elle et que si les femmes peuvent aujourd’hui porter un diamant simplement parce qu’elle l’aime c’est aussi grâce à elle. Merci Agnès Sorel.

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