#108 Le poisson en joaillerie

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By Anne Desmarest de Jotemps
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C’est le week-end de Pâques et comme l’an passé je vous ai parlé des oeufs, cette année j’ai choisi d’explorer le poisson parce que depuis les premiers chrétiens, le poisson est un acrostiche, un code secret et un symbole. que les joaillier transforme souvent en prouesse technique.

La thèmatique de la pêche et du poisson est partout dans les évangiles depuis l’appel des quatre premiers disciples pêcheurs reprisant les filets de leur père jusqu’à la pêche miraculeuse. Lors de ce moment le Christ monté sur la barque de Pierre, image de l’Eglise, commence par pêcher les âmes, puis rassemble dans ses filets une multitude de poissons qui figure la foule des convertis, avant d’annoncer que Pierre sera le « pêcheur d’hommes ».

Le festin de Jésus est aussi constitué de poissons grillés car la viande est symbole du sacrifice. La tradition est donc restée de manger du poisson le vendredi, par extension du repas du vendredi saint. La chair du poisson, symbole de l’incarnation et de la communion, est un aliment divin multiplié à l’infini.

Tout vient du nom de Jésus qui est Ichthus en grec et signifie poisson mais également constitue un acronyme, en grec que je ne saurai prononcer, et signifie « Fils de Dieu, notre Sauveur » donc par extension amalgame le mot poisson et le nom de Jésus-Christ.

Le poisson devient alors un symbole chrétien à double sens. Il incarne à la fois le Christ et la vie en abondance promise aux chrétiens mais aussi les chrétiens eux-mêmes. Ces premiers chrétiens romains s’appelaient entre-eux « pisci » donc les poissons, ce qui voulaient dire pour eux « les vivants ». Par extension, le poisson représente aussi l’eau du baptême.

Cette nouvelle religion n’étant pas acceptée par les autorités romaines qui la voyait comme une constestation de pouvoir, les chrétiens sont alors persécutés. Le poisson devient un symbole discret de reconnaissance entre eux et aussi un code secret. On le trouve en iconographie sur les batiments et dans les catacombes, sur les objets comme les mosaïques ou les lampes et bien sûr sur les bijoux.

Sur les murs de Rome, le poisson devenu graffiti apparaissait à Pâques pour indiquer aux chrétiens le chemin des cryptes où aurait lieu l’office pascal, il constituait, suivant son orientation un fléchage efficace et discret.

Les chrétiens d’orient ne semble pas avoir eu la même symbolique pour le poisson mais la prière du coeur reprend aussi dans sa forme grèque l’acrostiche Ichtus qui est donc jusqu’au IVe siècle un symbole d’unité des églises chrétiennes.

Autre tradition liée au poisson celle du « poisson d’avril ». l’origine est très discutée mais il semble que la coutume remonterait à 1564, date à laquelle le roi Charles IX promulgue l’édit du Roussillon qui impose à toute la France le début d’année au 1er janvier. Or jusque là dans certaines régions le premier jour de l’année était célébré le 1er avril. Alors pour se moquer des réfractaires à cette réforme l’habitude s’est prise de les stigmatiser en leur offrant des cadeaux pour rire, puis en leur accrochant un poisson dans le dos et il s’agissait à au Moyen Age d’un vrai hareng, puis le poisson devenu symbolique était en papier.

On trouve aussi chez les Grecs, le 1er avril, une fête dédiée aux dieux du rire, comme chez les Romains, la fête des Hilarias le 25 mars au retour du printemps.

Le poisson se trouve comme symbole dans beaucoup de religions comme de civilisations.

Chez les Khmers, le poisson est bien entendu le symbole de l’élément Eau. Il est la monture de Varuna, associée à la naissance ou à la restauration cyclique. Il est à la fois Sauveur et instrument de la Révélation. Le poisson (matsya) est un avatâra de Vishnu qui sauve du déluge Manu, il lui remet ensuite les Védas, c’est-à-dire qu’il lui révèle l’ensemble de la science sacrée.

Au Cachemire, Matsyendranâth, le pêcheur, a obtenu la révélation du Yoga après s’être transformé en poisson.

Les poissons sacrés de l’Égypte antique, le Dagon phénicien, l’Oannès mésopotamien, sont tous des symboles de Révélation.

Par ailleurs, le poisson est également symbole de vie et de fécondité. Dans l’imagerie extrême-orientale, les poissons vont par couples, et sont en conséquence symboles d’union. L’Islam associe également le poisson à une idée de fertilité.

Chez les Indiens d’Amérique centrale, le poisson est symbole phallique. Dans les religions syriennes, il est l’attribut des déesses de l’Amour. En chine, il est souvent représenté en couple et signifie le bonheur, la chance et la prospérité.

Les pluies de poissons qui sont des phénomènes météorologiques atypiques mais attestés depuis l’antiquité. Elles sont vécues à égal pourcentage comme une chance ou un mauvais présage. Alors on les appelle soit pluies merveilleuses ou catatrophes funestes comme en Allemagne, sous le règne d’Othon III à la fin du Xe siècle, quand elles ont coïncidé avec l’invasion de la Saxe par les Vandales.

Et bien sûr le mythe de la femme poisson, c’est-à-dire de la sirène exerce une fascination profondément ancrée dans les légendes de tous les temps.

Pour les férus d’astrologie, le poisson est un signe d’eau, le 12e du zodiaque et caractérise les natifs du 19 février au 20 mars.

En joaillerie, en dehors des médailles astrologiques, le poisson est récurrent dans les bestiaires même si ce n’est pas le plus courant. Bien souvent sa forme donne lieu à de véritables prouesses techniques et célèbre le savoir faire joaillier.

Par exemple la broche clip que j’ai choisi pour la vignette de cet épisode est de Tiffany & Co et Schlumberger. La forme ondulée du bijou donne parfaitement l’impression de vie du poisson et le serti en forme décline une palette merveilleuse de rubis, d’émeraudes et de saphirs pour un rendu des écailles particulièrement réaliste.

Autre exemple en haute joaillerie, le célèbre clip Gleams of Waves de Wallace Chan présenté à la Biennale de 2014. Les nagoires sont traitées comme des voiles aériennes et en volutes typiques et particulièrement difficiles à réaliser en titane et à sertir de diamants. Le poisson est une oeuvre d’art avec un diamant jaune de 6,68 carats qui sort de sa bouche comme une bulle et un corps où les écailles sont de rubis et de saphirs roses ponctués de diamants.

Chez Van Cleef & Arpels le clip poisson de la collection Seven Seas a un corps en onyx où les écailles sont gravées en glyptiques, ses nageoires en formes ondulatoires scintillent de spinelles noires et de diamants.

Pour Qeelin, les poissons vont bien sûr par 2. Attirés comme des aimants ils sont symboles d’amour et de chance. Ils s’appellent Qin Qin. J’ai aimé la bague en diamants et rubis où les poissons tournent mais depuis la marque en a créé en pierres dures : cornaline, turquoise ou onyx plus abordables et très kawaï.

Alexandra Rosier aussi propose ce symbole des deux poissons. Je les adore en boucle d’oreille. Elle sont articulées, émaillée vsert d’un coté et orange de l’autre avec des saphirs multicolores, des tasvorites, des rubis et des diamants sur or jaune. Ce qui donne un porté contrasté mais on peut aussi les acheter à l’unité .

En bijou ancien, chez Arcurial il y avait un pendentif poisson de 1980 dont la tête était sertie de rubis et d’émeraudes et dont le corps en or jaune cachait un flacon de parfum.

Enfin, en poisson stylisé comme un charm’s, le pendentif « Lamarsa » de la première collection, de Jeanne Bessis a une tête sertie de diamants et un corps composé de nacre ou de pierre dure pour éloigner le mauvais œil.

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