#115 Les légendes des serpents

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By Anne Desmarest de Jotemps
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Pour ne rien vous cacher ces dernières semaines ont été compliquées, j’avais besoin de me débarrasser de toutes ces énergies négatives alors j’ai pensé au serpent ! C’est un symbole universel, de tous les temps, un emblème ambivalent, certes, mais aussi un guide spirituel et une source quasi inépuisable d’inspirations en joaillerie . Et je suis sûre qu’Esther Sonia Soltani La rédactrice en chef du Rapaport sera d’accord avec moi elle qui repère régulièrement de merveilleux bijoux en forme de serpent et aussi Olivier Grammatico de Cameo Paris dont j’ai choisi la bague serpent pour la vignette de ce podcast.

Le mot serpent vient du latin serpo qui veut dire ramper. Etrangement dans notre imaginaire on le voit souvent enroulé de façon ascendante.

Dans la mythologie grecque, il est Ladon, fils d’Échidna et de Typhon, chargé par Héra de protéger les pommes du jardin des Hespérides. Il a 100 têtes qui parlent chacune une langue différente. Et quand il est tué par Héraclés, Hera le transforme en constellation qui révéle à Asclépios les secrets de la médecine. Le serpent enroulé sur un bâton est encore aujourd’hui le symbole de la médecine, comme un sceptre de fonction et le serpent qui se dresse sur la coupe d’Hygie, la fille Asclépios est le symbole de la pharmacie.

Dans ces mythes, le serpent est protecteur et guérisseur. On voit combien la conception du serpent évolue quand il est enroulé autour de l’arbre de Vie ou de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal suivant que l’on consulte la Genèse, la Torah ou l’Ancien Testament. Alors que la symbolique du jardin et des pommes est plutôt stable. Le fruit de l’Arbre de Vie à Sumer, en Egypte ou en Inde, chez les romains comme chez les Celtes serait plutôt une analogie du pouvoir d’engendrer et la pomme concentre les pouvoirs de la révélation, de la transmission du savoir et de la préservation de la vie.¨Par exemple, Avallon est « l’île aux femmes » où poussent les pommiers de l’éternelle jeunesse. Et le serpent veille ou sert d’agent procréateur des dieux !

Le Caducée d’Hermès se présente avec 2 serpents enroulés autour d’une baguette de laurier ou d’olivier surmontés souvent par des ailes. C’est un cadeau qu’Appolon donne à Hermès en échange de la Lyre qu’il a inventé et dont Hermès joue pour amadouer le Dieu auquel il a dérobé son troupeau. Le caducée est alors une baguette de messager qui guide les héros afin d’orienter leurs âmes dans les Enfers. Le serpent incarne ici l’éveil de la conscience cosmique et l’union du ciel et de la terre .

Cette idée se retrouve dans le Mahâbhârata, le texte fondateur de la mythologie hindoue, où le Pinaka, l’arc de Shiva, porte le Grand Serpent Arc-en-ciel enroulé sur la corde qui sert à tendre l’arc. Le serpent est alors un pont entre le ciel et la terre. Par ailleurs, le serpent indou Kundalini représente la puissante énergie vitale qui sommeille en chacun de nous. Il forme un caducée d’énergie le long de la colonne vertébrale en remontant du 1er chakra jusqu’au 7e. Idâ lié à la lune et Pingalâ lié au Soleil s’enroule autour du canal Nâdi. A chaque croisement l’équilibre se fait entre le positif et le négatif, le masculin et le féminin jusqu’à atteindre l’éveil.

Mais le serpent est protecteur, surtout quand il est une femme. Ouadjet est la déesse cobra, protectrice de la Basse-Egypte, et s’allie à Nekhbet, la déesse Vautour, symbole de Haute Egypte pour protéger le pharaon et se matérialise sur la couronne des deux-terres. Quand à RêRenoutet, c’est la déesse des récoltes et des greniers, des vignerons et des celliers et même des tisserands.

Dans le panthéon mythologique d’Anatolie, d’Iran et d’Irak, Shameran, la femme au corps de serpent couronné, accepte de laisser partir Cansab qui était tombé par hasard dans sa grotte. En échange il ne doit jamais dire où elle habite. Cependant le Sultan tombe malade et les médecins assurent que pour guérir il doit manger Shameran. Les hommes du Sultan savent que Cansab connait la grotte de Shameran parce qu’il a gardé de son aventure des écailles sur le dos alors ils le torturent et Cansab finit par leur dire où la trouver. Shameran est tuée et découpée en morceau, le Sultan en mange et guérit. Cansab est chassé du palais avec les restes de Shameran et affamé il mange un peu de la chair de la femme-serpent et ses blessures sont instantanément guéries. Il veut se dénoncer au peuple des serpents mais le vieux sage lui indique que le sacrifique de Shameran lui confert le pouvoir de guérison et les serpents l’accompagnent pour découvrir le secret des plantes médicinales. Il devient sage-médecin et les serpents le symbole de la pharmacie et de la médecine.

En Chine on raconte que la Nuwa était une femme serpent et une déesse à la force de création très puissante. Lors de la bataille des Dieux Gongong et Zhurong un des piliers qui soutenait le Ciel où coulait les rivières célestes fut détruit et entraina le déluge sur terre. Alors Nuwa fit fondre une pierre de 5 couleurs pour colmater la brèche et répara le pilier en mettant le ciel sur les pattes d’une tortue. Puis elle descendit sur terre et en jouant avec la boue du fleuve elle façonna avec de l’argile des personnages avec des bras et des jambes et non une queue de serpent comme la sienne et elle peupla la terre d’humains qui riaient de joie. Plus tard les dieux acceptèrent qu’elle s’unisse à son frère aîné Fuxy, l’inventeur des huit trigrammes du Yi Jing, à l’origine de la calligraphie. Ensemble, ils sont le symbole du mariage où Nuwa incarne le pouvoir de procréer.

Puis la mythologie grecque raconte que le roi Cécrops, né d’un dragon et de Gaïa unifia les tribus et fonda Athènes. Athéna et Poséidon voulaient tous les deux être le Dieu de cette cité. Alors Cécrops fit voter les hommes et les femmes citoyens de la cité. Or les femmes emportèrent le vote en faveur d’Athéna. Dans sa fureur Poséidon fit déferler les flots sur la région. Alors les Athéniens décidèrent que les femmes n’auraient plus le droit de vote, que leur nom ne serait plus transmis aux enfants et qu’elles ne seraient plus citoyennes.

Depuis lors les légendes firent des femmes-serpent ,des monstres :

· Lamita aimé de Zeus et jalousée par Hera devient folle et séduit tous les hommes ou dévore les enfants.

· Echidna, la nymphe immortelle engendre avec Typhon des tas de monstres : Cerbère, l’hydre de Lerne, le dragon de Colchide, la Chimère, l’Aigle du Caucase, le Lion de Némée,…

· Méduse est transformée en monstre par Athéna.

Leur mauvaise réputation enterrera à jamais les déesses femmes-serpent et inaugure les affrontements entre les reptiles titanesques et même volants et les héros salvateurs : Hercule, Saint Michel ou encore Thor.

Je préfère garder en mémoire la symbolique du serpent comme incarnation du cycle de la vie comme l’Orobouros, ou celle de médiateur de l’Au-delà, comme le Serpent-à-plume Quetzalcóatl.

En matière de bijou serpent je pense immédiatement au magnifique bracelet serpent flexible de Sarah Bernhardt dessiné par Mucha et créé par Fouquet en 1898 pour son rôle de Médée dont je vous ai déjà parlé dans l’épisode 53 de ce podcast. La tête du serpent est sertie d’une mosaïque d’émail, d’opales, de rubis et de diamants et repose sur le dos de la main, le corps du serpent s’enroule autour du poignet et la queue remonte sur le bras. Il est relié par des chaînes à un autre «serpent» qui est un anneau de doigt, la tête tournée pour faire face à celle du bracelet. Ce bijou appartient aujourd’hui à la collection permanente du musée Alphonse Mucha.

Si vous aimez les bracelets serpents anciens, j’ai repéré chez Gorky Antiquité un bracelet flexible du Second Empire en or jaune au yeux de rubis avec un diamant serti clos sur la tête et qui sort sa mignonne langue bifide.

En Haute Joaillerie ma pièce préférée est l’Hypnotic Emerald de la collection Magnifica de Bulgari. Particulièrement réputée pour la création de bijou serpent depuis le premier modèle appelé Serpenti en 1948 et qui était un bracelet-montre, cette Maison décline le serpent, de la joaillerie à l’horlogerie jusqu’à la maroquinerie. La pièce dont je vous parle, dont la réalisation a nécessité 1 800 heures de travail, est en platine, pavée de diamants taille brillant et baguette et de cabochons d’émeraudes. Et la pierre de centre est un très exceptionnel cabochon d’émeraude colombienne de 93,83 carats. Ce collier sensationel a été porté, magistralement, par l’actrice Zendaya à la Mostra de Venise en 2021.

En joaillerie j’ai toujours aimé les serpents de Sylvie Corbelin, parce qu’ils sont toujours gentils, voluptueusement lovés autour du doigt, souvent en or noici pour faire ressortir les détails d’or jaune, les diamants et les yeux de rubis.

Olivier Grammatico, le fondateur de Cameo Paris réalise dans son atelier parisien des bijoux inspirés de la nature et entièrement sur mesure, il a une tendresse particulière pour les serpents et en crée souvent, tout fin à simple ou double enroulement et serti de saphirs et stavorites, ou comme en mouvement en or noirci diamanté escaladant une rose en corail parée d’un coccinelle et progressant vers une pomme en perle, ou encore mystérieux émaillé de vert et lové autour d’un saphir cabochon bleu intense. J’aime tout ses serpents ! Mais j’affectionne celui aux yeux verts perçants qui s’enroule sur le doigt en or jaune tout tacheté de diamants de couleur et pour la vignette du podcast j’ai choisi de vous montrer le plus estival, celui en or et diamants blancs qui traverse de part en part une mer de turquoise .

Parmi tous les serpents bijoux que présentent très souvent Sonia Esther Soltani, la rédactrice en chef du Rapaport que je vous ai fait découvrir dans le podcast Brillante, je craque pour le serpent ear-cuff de Clio Saskia. La queue arrive presque sur la tempe et se pose au bord de l’oreille autour d’un saphir, puis le corps s’élance autour de l’oreille et la tête réapparait vers l’os de la machoire avec, dans sa gueule d’or, un saphir retenu par les crocs. Cette créatrice britannique travaille son bestaire en mouvement. Dans un autre pièce serpent, la tête toujours dardée et ouverte, aux crocs enserrants la gemme, se pose sur l’index et regarde en direction de l’ongle, puis le corps passe sous le doigt, réapparait sur le majeur et l’annulaire et finit sous l’auriculaire d’où l’extrémité de la queue remonte. Le bijou est fin et graphique et c’est surtout une jolie recherche qui dépasse la bague pour être un bijou de main.

Enfin j’ai été intriguée par les « bijoux méchants » de la créatrice canadienne HornyCat Jewelry. Elle a créé un « lip cuff » que l’on peut choisir en argent ou en or blanc ou rose de 10, 14 ou 18 carats. Le fin serpent, est posé, délié, comme sur une branche qui est votre lèvre inférieure. Cet étrange serpent en morsure charnelle n’est pas un piercing c’est un bijou de lèvre dont le symbole serpent souligne étrangement la sensualité du baiser.

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