#92 Les légendes du saphir

By Anne Desmarest de Jotemps
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Le saphir est une pierre précieuse aux milles mystères. Déjà son étymologie fait rêver. Le mot viendrait du sanskrit « sauriratna » qui signifie « sacré pour Saturne », en latin « sapphirus » veut dire « pierre noble », les grecs le nommait « huakintos » en hommage à la couleur iris bleu et l’hébreu « sappir » signifie « la plus belle chose ».

Le saphir est mentionné dans le Coran et 12 fois dans la Bible, on dit que les tablettes des 10 commandements remises à Moïse sur le mont Sinaï étaient gravée dans du saphir (bon d’autres pensent qu’elles étaient en lapis-lazuli, mais on ne va pas chipoter, hein). En tout cas dans l’Exode, le trône de Dieu arbore un saphir bleu d’une clarté céleste. Ezéchiel, la considère comme l’une des douze « pierres de feu » qui sont serties dans le pectoral d’Aaron. Et dans l’Apocalypse, le saphir, est l’une des douze pierres fondatrices de la Jérusalem céleste, que l’on associe également à l’Apôtre Paul. Abraham lui même aurait porté un saphir autour du cou comme talisman.

Le fameux Sceau de Salomon, serait un anneau de saphir qui permettait au roi de visiter les sphères célestes, de parler aux animaux et de commander les démons. Dans cette légende qui nous ramène vers 900 avant Jésus-Christ, le roi Salomon aurait aussi offert des saphirs à la Reine de Saba pour la courtiser. Ces saphirs du Sri Lanka provenaient de Rathnapura dont le nom signifie « la ville des pierres précieuses ».

Dans la mythologie grecque, Prométhée se serait emparé d’un saphir bleu au même moment où il volait le feu aux Dieux. Par ailleurs ils auraient appelé le saphir, le « joyau du dieu du soleil », c’est-à-dire la pierre précieuse d’Apollon. Alors quand ils consultaient l’oracle d’Apollon à Delphes les grecs portaient un saphir pour mieux comprendre les réponses de l’oracle.

Dans l’ancienne Egypte, le saphir bleu incarnait la justice et la vérité. Les Perses pensaient que le monde entier tenait sur un saphir géant et que c’est son éclat qui rendait le ciel bleu !

Dans la légende hindoue, Brahma, se transforme en chevreuil pour faire l’amour à la biche Ushas qui est sa propre fille. Scandalisés les Dieux créèrent l’esprit du mal Bûthavan pour le punir. Brahma se repentit et pleura amèrement. L’une de ses larmes, la plus chaude qui fût jamais tombé de ses yeux, arriva sur Terre et forma le premier Saphir. Depuis les bouddhistes estiment que le saphir apporte la paix de l’esprit et chasse les mauvaises pensées.

Une légende birmane raconte que dans le monastère de Lao-Tsun, vivaient des moines voués au culte de Tsun Kyan Kse, la déesse aux cheveux d’or et aux yeux de saphirs qui pouvait réincarner les fidèles en animal sacré. Un jour des bandits envahirent le monastère et tuèrent Mun Ha, le moine le plus pieu. Son chat Sinh implora la déesse. Tsun Kyan Kse changea son pelage en or, son museau, ses oreilles et sa queue aux couleurs de la terre, ses coussinets en blanc couleur de pureté et lui donna ses yeux de saphirs. Quand il mourut sur le corps de son maitre moine, tous les chats du monastère se rassemblèrent et furent transformés comme Sinh. Et leurs yeux devenus saphirs désignèrent le successeur du moine Mun Ha. Le plus jeune des moines, Ligoa, devint alors le gardien des ancêtres réincarnés par la volonté de la déesse et de son regard saphir.

On raconte aussi que le trône du Shah Jahan, le commanditaire du célèbre Taj Mahal, était incrusté de saphirs et que la réalisation de ce siège royal aurait pris 7 ans.

Le pouvoir du saphir

Bien sûr les légendes du saphir développent les croyances autour du pouvoir de cette pierre précieuse.

Au Moyen-âge, on pense qu’il protège des poisons, de la peste, de la fièvre, des maladies de peau et même de la magie noire. Et il servait aussi de test de fidélité car il était censé changer de couleur s’il était porté par un ou une infidèle.

Comme le saphir a toutes les couleurs, on attribue une couleur à chaque chakra et un pouvoir dédié. Le bleu sur la gorge aide à la communication, le noir sur le chakra racine aide à la confiance, le jaune sur le plexus solaire dope la volonté et l’ambition, le saphir vert sur le cœur atténue les rancunes et augmente la compassion, le violet sur le 3e œil permet de progresser spirituellement et le blanc sur le chakra couronne renforce l’esprit.

Si on considère seulement le saphir bleu chaque variation de couleur portait un nom différent dans l’Asie mythique : Nílamani se dit pour le bleu commun, Jalneelam décrit les saphirs bleus clairs et Indraníla, les bleus foncés.

Pour les hindouistes, c’est la merveilleuse couleur rose-orangé du rare saphir Padparadscha qui est associée aux brahmanes, c’est-à-dire la plus haute caste. Le saphir Padparadscha qui signifie « fleur de lotus » apporterait la protection divine.

Le plus grand saphir Padparadscha vient du Sri Lanka. Il est visible au musée des sciences à New York, et c’est un énorme saphir de 100,18 ct (environ 20 grammes).

Le magnétisme du saphir serait si fort qu’il protègerait son propriétaire même quand celui-ci ne le porte pas.

Dans l’astrologie chinoise, le Saphir est attribué au lapin ou au chat qui réfléchissent consciencieusement avant toute décision, ne se mettent jamais en danger et évitent les conflits.

Dans le zodiaque moderne, le saphir est la pierre de septembre et est associé au signe du taureau.

Traditionnellement le 16e anniversaire de mariage célèbre les noces de saphir. D’autres coutumes préconisent de l’offrir pour la 5e ou la 45e année de mariage. Ce qui vous laisse la latitude de choisir la date qui vous conviendra le mieux !

Le saphir étoilé a une place à part dans les gemmes et dans les légendes. Dans cette pierre les inclusions de métaux comme le rutile provoque une diffraction de la lumière dans 3 directions. Par un effet d’optique appelé l’Astérisme, la lumière, en se reflétant, crée une étoile à 6 branches comme un hologramme. La taille en cabochon valorise le mieux ce phénomène qui fait du saphir étoilé une pierre new-age apportant à la fois la paix intérieure du saphir et la puissance du rutile. On l’appelle la « Pierre du voyageur ». Considéré comme un talisman, elle est dédiée aux chamans et aux druides. Les trois rayons croisés formés par l’étoile représentaient dit-on : la foi, l’espoir et le destin. D’autres mythes disaient qu’ils renfermaient des anges et des démons et que ceux-ci s’endormaient quand la pierre s’assombrissait en l’absence de lumière.

Dans la légende Sri Lankaise, le chasseur Jampala tomba amoureux d’une étoile. Quand une nuit il se fit attaqué par des bêtes sauvages, il lança son boomerang avec tellement de force qu’il atteignit l’étoile et la cassa. Le morceau qui se décrocha tomba sur terre à ses pieds. Plein d’amour il rayonnait et c’est comme ça que naquit le saphir étoilé.

Le saphir est aussi la pierre privilégiée des rois et des reines.

Hélène de Troie, Ivan le Terrible, Richard Cœur de Lion, Catherine la Grande et Joséphine Bonaparte adoraient et portaient des saphirs. Le Prince Charles avait offert à Lady Diana un saphir de 12 carats, une bague de fiançailles devenue encore plus célèbre lorsque le prince William l’offrit à Kate Middelton.

Il s’agit souvent d’un saphir bleu car cette couleur symbolise la royauté en Europe et en particulier en France depuis les capétiens. Elle incarne la pureté et la lumière de Dieu sur la terre. Aussi l’église catholique se l’est appropriée depuis que le pape Innocent III décréta que les cardinaux devaient porter un saphir comme symbole de leur fidélité et proximité à dieu. Depuis le XIIIème siècle, les cardinaux arborent donc un saphir en bague à la main droite, celle qui donne la bénédiction et encore aujourd’hui, on l’appelle “la Pierre des Papes”.

Comme les légendes du saphir sont extraordinaires il existent aussi des saphirs de légendes tout aussi exceptionnels.

Charlemagne avait comme talisman un joyau-reliquaire où le saphir de ceylan de plus de 190 carats offert par le calife Haroun Al-Rachid contenait 2 morceaux de la Vraie Croix. Placé dans un pendentif en or, de la forme d’une ampoule de pèlerinage et serti de pierres précieuses et de perles, ce saphir taillé en « Pain de Sucre » est non seulement une relique chrétienne inestimable mais aussi le plus gros saphir connu jusqu’au XVIIe siècle. A l’ouverture de la tombe de Charlemagne en l’an Mille l’envers contenait un cabochon en verre taillé mais on estime qu’il a été substitué à un autre saphir qui devait être aussi beau que celui de l’endroit. De quoi faire rêver. Il sera la possession de Napoléon I et Napoléon III, des impératrices Joséphine et Eugénie, et d’Hortense de Beauharnais. Cet encolpion fait aujourd’hui partie du trésor de la cathédrale de Reims et conservé au Palais du Tau.

Le Grand Saphir de Louis XIV est tout aussi légendaire. C’est une gemme de 135,8 carats reconnaissable à sa forme particulière, un facettage, en rhomboïde, unique au monde qui pourrait être d’origine indo-moghole. Il est acheté par Louis XIV en 1669 et devient la troisième gemme des joyaux de la couronne de France. Louis XV envisage de le tailler pour le mettre sur la Toison d’or. Ouf le projet n’aboutit pas. Il est volé en 1792, puis retrouver. Les experts pensent que c’est un simple cristal mais Daubenton le choisit quand même pour créer les collections du Museum d’histoire naturelle. Et c’est René Just Haüy qui détermine qu’il s’agit bien d’un saphir.

En Grande Bretagne c’est le Saphir d’Edouard Le Confesseur qui est légendaire. Le roi le portait à son couronnement en 1043 en bague et le donna pour former les premiers joyaux de la couronne d’Angleterre. Le saphir sera serti sur la couronne des souverains britanniques jusqu’en 1649 où elles seront détruites par Oliver Cromwell. Le saphir encore intact sera retaillé en 1660 par le roi Charles II et serti sur la couronne impériale d’apparat en 1838 par la reine Victoria. Et le saphir y est encore !

Le saphir Logan est le plus grand saphir facetté en taille coussin. Il pèse 423 carats et vient du Skri Lanka. Sa propriétaire Mme John. A. Logan l’a monté en broche et entouré de 20 diamants de 16 carats puis elle l’a offert au musée Smithsonian en 1960.

Le saphir Rockfeller surprend par sa forme rectangulaire. Il provient des mines mythiques de Mogok et est acheté par John. D. Rockfeller à un Maharaja. Il l’offre à son épouse Abby. A ce moment c’est une broche créée par la Maison Cartier. Puis il sera remonté en bague par Raymond Yard pour la seconde épouse Rockfeller, Martha Faird. Il est réapparu dans les ventes chez Christie’s en 2001.

Le mystère du Saphir « Ruspoli » reste entier. Le Professeur François Farges a retrouvé le moulage de cette gemme de 137 carats, en forme « coussin à double dentelle » qui est au Muséum d’histoire naturelle. Mais le saphir c’est une autre histoire : c’est au Bengale qu’un vendeur de cuillères en bois l’aurait découvert, puis au XVIIe il est la possession du prince italien Francesco Maria Ruspoli. Il est l’objet d’un procès entre 1811-1813 et est revendu ensuite à Henry Philip Hope. Puis il disparait ! On suppose qu’il ait été monté sur le kokochnik de la grande duchesse Pavlovna puis aurait appartenu à Marie de Roumanie, transmis à sa fille Iléana qui l’aurait ensuite revendu à un joaillier américain dans les années 1950.

Comme saphir d’exception il y a aussi l’Etoile de l’Inde un saphir étoilé de couleur gris laiteux de 563,35 carats, l’Etoile de Bombay, le saphir Nertamphia, l’Etoile de minuit.

Le Millenim Sapphire a une histoire différente. Découvert à Madagascar en 1995 c’est le plus gros saphir jamais connu avec 61 500 carats. Il a été sculpté par l’artiste italien Alessio Boschi. Il y a représenté les hommes qui ont marqué l’histoire comme Albert Einstein, Christophe Colomb, Mozart, Rousseau, Newton, Shakespeare, Lao Tzu, Beethoven, Michelangelo, Martin Luther King…. Mais aussi les grands monuments comme les pyramides de Gizeh, la grande muraille de Chine, la presse à imprimer de Gutenberg. Bref, ce saphir s’orne de plus de 134 sujets qui rendent hommage à la créativité et au génie.

Enfin, le dernier saphir à défrayer la chronique est celui des Romanov. Originaire de Ceylan, cette gemme de 197,80 carats est d’abord la propriété de Maria Feodorovna l’épouse d’Alexandre III et la mère du dernier empereur de Russie Nicolas II. A un bal, elle porte 2 énormes saphirs cousus sur sa robe. Ils disparaissent avec la révolution bolchevique mais un des saphirs réapparait en 1928 au moment où la cantatrice Ganna Walska demande à Cartier de le monter, de le démonter puis de le remonter au fil de ses différentes amoures et mariages. Puis il y a 2 ans il est proposé à la vente et Cartier choisit de magnifier sa forme de galet et son facettage triangulaire dans un somptueux bracelet dont le saphir est également interchangeable avec un cristal de roche pour doubler la dimension émotionnelle du bracelet nommé Romanov !

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