Au départ je voulais vous parler de la couleur rose, parce qu’il faisait moche et que j’avais envie de tendresse. En fait cette couleur est beaucoup plus complexe qu’il n’y parait.
Le rose est une couleur complexe
D’abord, c’est une exception linguistique car quand on veut parler de la couleur plus claire d’une couleur on utilise le mot pâle : un bleu pâle, un vert pâle mais on ne dit pas un rouge pâle on dit un rose.
Ensuite, c’est une couleur à la sexualité mutante. Au XIIe, les premiers trousseaux spécifiques pour les bébés associait aux filles le bleu qui est couleur divine de la Vierge Marie, alors que le rose, considéré comme un rouge pâle viril, est destiné aux garçons. Et le rose n’était pas restreint à la layette on voit par exemple en 1606 dans le tableau de Jacob Brunel qu’Henri IV déguisé en Mars est tout vêtu de rose.
Et on ne peut suspecter Henri IV de n’être pas viril ni que le Dieu Mars, dieu de la guerre, ait été incarné par une couleur qui n’évoquait pas l’agressivité masculine la plus grande. Bref on est sûr que jusqu’au XVIIIe le rose est masculin au moins majoritairement. Or aujourd’hui le rose est féminin. A l’exception des maillots de rugby du stade français.
Le site du pape m’a répondu qu’à la révolution française, on avait inversé les couleurs dans un mouvement général de détachement de l’Eglise et de l’Etat. Et Michel Pastoureau, LE spécialiste de l’histoire et de la symbolique des couleurs écrit dans son ouvrage « Rouge, histoire d’une couleur » que le rose pour les filles se met en place vers 1930 et qu’à partir des années 1970 la poupée Barbie consacre cette couleur aux filles.
Par ailleurs, le rose est une couleur ambivalente entre la candeur et la perversité. D’une part, pour les romantiques et à partir de cette période historique, le rose symbolise l’ingénuité, la candeur, la pureté et l’amour sans le sexe. D’autres part, les ballets roses, le téléphone rose ou le carré rose des films symbolisent des actes qui n’ont rien d’amoureux mais sont seulement pornographiques. Peut être parce qu’au XIXe où la nudité de scène n’était pas envisageable, les acteurs suspectés de mœurs légères étaient vêtus de couleur chair, la chair en Europe étant définit par le rose.
Enfin, le rose est également dual dans sa symbolique : d’une part il est compris comme niais et mièvre comme les romans « à l’eau de rose » de Barbara Cartland qui à la fois aimait beaucoup le rose et est célèbre pour ses romans d’un romantisme naïf. D’autre part c’est un symbole de rébellion et de transgression comme le triangle rose dont les nazis marquaient les homosexuels et qui a été repris par cette communauté comme symbole identitaire de la « Fierté » ou comme le « Pussy hat » porté par des millions de manifestantes du droit des femmes défilant à Washington le lendemain de l’investiture de Donald Trump.
Le rose est incarné de mille façon : du Roman de la Rose au Bubble gum en passant par la panthère rose, ou, de Saint Laurent à Schiaparelli via les tailleurs d’Elisabeth II, le rose est une couleur qui à chaque fois est différente et ne laisse pas indifférent.
Le nombre de gemmes roses est peu important
On trouve cette même ambivalence en joaillerie où finalement le nombre de pierres roses n’est pas si important. Puisque le rubis a d’autant plus de valeur qu’il est rouge je ne vais pas lui faire l’injure de le considérer comme rose. Alors ? Le saphir bien sûr ! A force de l’imaginer toujours bleu on oublie que le saphir peut aussi être jaune, violet, vert et rose ! La teinte rose du saphir s’explique par la présence de chrome dans sa composition. Sa couleur peut aller du pastel au rose intense. Les saphirs roses proviennent essentiellement du Sri Lanka et de Madagascar.
Et bien sûr il y a le diamant ! Car bien qu’on imagine en premier le diamant en blanc il n’est jamais aussi précieux qu’en rose parce qu’il est extrêmement rare.
Le si rare diamant rose
Je vous ai déjà parlé du Hortensia lors de l’épisode sur des joyaux de la Couronne, ce diamant rose de 21,32 carats, taillé en 1678 est acheté par Louis XIV qui le portait à sa boutonnière, puis il est offert à Hortense de Beauharnais, reine de Hollande, fille de Joséphine et épouse de Louis-Bonaparte le frère de l’empereur Napoléon I, elle sera aussi la mère de Napoléon III. Bref le Hortensia est au Louvre, il n’est donc pas vendable et il est rose clair.
Autre diamants rose historique : le Princie connu depuis 300 ans, découvert dans les mines de Golconde, il a été acheté à la famille royale d’Hyderabad en 1960 par Van Cleef & Arpels, qui l’ont nommé le Princie d’après le fils de Sita Devi, le Maharanee de Baroda. Ce diamant rose de 34,54 carats a été vendu 33 millions d’euros.
Les diamants roses étant rares, ils sont souvent des diamants d’investissement. Quand ils excèdent 10 carats, le monde s’emballe : collectionneurs, salle de vente Christie’s ou Sotheby’s de New York, Genève ou Hong-Kong, tous sont suspendus au marteau du commissaire priseur !
15 carats pour The Pink Promise vendu 32,48 millions de dollars, un record mondial qui mettait le carat à 2,17 millions.
16,8 carats pour le Sweet Joséphine vendu 28,6 millions de dollar
18,96 carats pour le Pink Legacy qui atteint 44 millions d’euros.
24,58 carats pour le Pink Graff vendu 46 millions de dollars, soit 34 millions d’euros.
59,60 carats pour le Pink Star vendu et impayé à 60,7 millions d’euros
Le Raj Pink de 37,30 carats, n’avait pas trouvé acheteur lors de sa vente en 2017.
Dans les pierres fines rose les joailliers choisissent souvent la tourmaline ou encore le spinelle. Le Hope Spinel de 50 carats est une pierre d’exception qui a dépassé les 15 millions d’euros.
Sinon les joailliers ont le choix entre les différentes gemmes : Agate Rose, Cobaltocalcite, Danburite Rose, Érythrite, Eudialyte, Fluorite Rose, Kunzite, Manganocalcite, Morganite, Opale Rose, Quartz Fraise ou Rose, Rhodochrosite, Rhodonite, Smithsonite, Thulite, Topaze flament rose, Tugtupite. Et bien sûr il y a aussi le corail rose ou peau de pêche aujourd’hui rare car sa vente est extrêmement légiférée.
Quand j’avais été au salon Révélations j’avais repéré de jolis joyaux roses.
Le joaillier uzétiens Bénédikt Aichelé a réalisé une bague en Morganite dont la simplicité de la monture souligne la gemme exceptionnelle par son poids de 73,40 carats (c’est-à-dire grosse comme une prune) et par sa rare couleur candy car la Morganite est habituellement d’une teinte plus saumonée.
Il avait aussi exposé un pendentif Ovoïde serti de diamants où perche une boule rose tendre de kunzite incluse de givres, car ce joaillier à une tendresse pour ces arabesques minérales qui donne vie à la gemme.
Amélie Viaene présentait une bague Ginza, chevalière féminine aux angles adoucis dont la tourmaline, un cabochon rectangulaire est rose intense presque Schiaparelli.
A l’opposé, ses boucles d’oreille, Ladies in waiting (c’est-à-dire Dame de Compagnie) sont en opale rose d’une délicate couleur que le XVIIIe aurait surement qualifié de « cuisse de nymphe ».
La Maison Rosset Gaulejac présentait un superbe saphir rose posé en losange, sertie de diamants sur or jaune dont la couleur resplendissait sur la bague entourée de nacre blanche.
Récemment Pomellato sortait sa collection Armoni Minnerali et sa bague Adagio di Damasco jouait des motifs concentriques rose et blanc de la rhodochrosite traversée par une bande de saphirs roses.