Le verbe intransitif minauder veut bien dire « prendre des manières affectées pour attirer l’attention, plaire et séduire ». C’est pour cela que la minaudière peut paraitre aujourd’hui entachée de superficialité ou même incarner ce qui est le plus antiféministe et pourtant….
Ce chef d’œuvre joaillier est né dans les années folles. Les femmes s’émancipent en se maquillant et en fumant en public. Aujourd’hui où triomphe le make’up nude et où fumer devient synonyme de trucideur de planète, il est difficile de mesurer la provocation que symbolisaient ces gestes.
Donc essayons de resituer. La première guerre mondiale vient de se terminer, les frontières hiérarchiques des mondes s’effacent. La noblesse incarne des valeurs dont la confiance s’est effondrée. Les puissances de l’argent venues de la finance et de l’industrie symbolisent un renouveau dont la puissance s’affirme indispensable et dont la croissance apporte chaque jour de nouvelle promesse d’un avenir meilleur. L’art, la culture et le sport prennent une dimension totalement nouvelle, dopés par le « plus jamais ça » que revendique les nouvelles générations et un souffle créatif généralisé semblable à une tornade.
La situation des femmes évolue aussi. La majorité a travaillé pendant l’absence des hommes et si beaucoup sont rentrées au foyer, elles n’arrivent pas à oublier cette autonomie acquise avec tant de peine et de souffrance. Pour les plus aisées, la quête de plaisir est maintenant possible et elles s’en saoulent. La femme honnête ne se maquille pas, alors elles se maquillent. Fumer, c’est faire comme un homme, alors elles fument. Mais avec classe !
D’abord il y a le vanity-case de petites boites qui contiennent maquillages ou cigarettes. On l’appelle aussi « nécessaire » parce qu’elles contiennent ce qui est nécessaire des femmes : un miroir, un tube de rouge à lèvres et un poudrier souvent miniature. Elles tiennent dans la main et certaines sont retenues par un anneau que l’on passe au doigt. Elles sont des trésors d’orfèvrerie et de joaillerie, en or, avec pierre précieuses et fines, nacre et onyx et bien sûr des perles.
Leurs styles varient suivant l’engouement du moment : art déco bien sûr, mais aussi russe, oriental, japonisant… Elles sont décorées de chrysanthèmes ou de dragons, de dessins géométriques, d’émail ou de marqueterie de nacre. Toutes ces imprégnations artistiques qui correspondent au cosmopolitisme de l’époque. Les meilleurs fabricants sont des boitiers ou tabletiers comme l’atelier Langlois ou l’atelier Strauss, Allard et Meyer.
Cette nouvelle attitude des femmes nécessite de nouveaux objets. Par exemple, si l’on fume un briquet est nécessaire. Les hommes allument galamment leur cigarette mais quand même. Les joailliers combinent les éléments : un vanity-boite-à-cigarette-briquet par exemple. Mais bon…
Donc vers 1930, arrive la minaudière. La légende raconte que Charles Arpels, un des fondateur de la Maison Van Cleef & Arpels, rendait visite à son amie, Florence Jay Gould, la femme du magnat américain des chemins de fer. Au moment de sortir, Florence jette pêle-mêle un rouge à lèvres, un poudrier, des cigarettes et un briquet dans une boite en fer blanc Lucky Strike.
Le joaillier décide d’offrir à l’excentrique Américaine et à ses riches amies un contenant digne de leur statut et dans lequel chaque petit compartiment utile est une prouesse technique.
La minaudière est donc une boite dont l’agencement permet dans un minuscule espace de mettre tout : poudrier, rouge à lèvres, godet à fard, cigarette, fume-cigarette, briquet mais aussi montre, carnet de bal, ou face à main suivant ce que veut la cliente. Bref il remplace le sac du soir, il n’est pas plus grand qu’un livre et tout y est organisé façon Trétis.
C’est en 1934, que Van Cleef & Arpels dépose le brevet et le nom de « Minaudière ».
Elles sont le plus souvent en or ou platine serti de pierres précieuses ou fines, orné de laque ou de nacre. Mais il en existe également en velours, soie ou brocart, brodé ou non. Certaines minaudières sont équipées d’une dragonne que la propriétaire passe autour du poignet. D’autres sont dans une pochette de satin ou velours noir ce qui permet d’attirer le regard quand on les en extrait.
La Minaudière est un objet de grand luxe. Elle parait plus sobre que le vanity-case. C’est le travail de l’or qui est sophistiqué à l’extérieur comme à l’intérieur. Elle peut être intégralement laquée de noir avec un fermoir en pierres précieuses transformable en clip.
Les boîtes précieuses donnent une nouvelle contenance à la femme qui la garde à la main, la pose sur la table de façon beaucoup plus élégante qu’on ne le fait avec notre portable.
Aujourd’hui, la minaudière existe. Plein de marques proposent de jolies boites mais il n’y a pas l’agencement intérieur et bien sûr elles ne sont pas en or. Il faudra courir les salles de ventes si vous en souhaitez une.