Théodora est née vers 500 à Constantinople, son prénom a une consonance chrétienne dont les racines grecque « Théou Doron » se traduirait par « don de Dieu ».
Son père meurt prématurément laissant la famille sans ressource alors sa mère se remarie et son beau-père lui apprend son propre métier de dompteur d’ours, de chevaux, de chiens ou encore des perroquets importés d’Orient. Avec sa sœur, elle participe aux numéros de jonglerie et d’acrobatie qui font patienter les spectateurs entre deux courses de chars ou de spectacles de fauves. Son beau-père appartient à la faction des verts (une sorte de parti politique, son opposant est le parti bleu). Quand il est destitué de sa charge la famille perd encore une fois ses ressources. Alors sa mère rentre avec ses filles dans l’arène de l’hippodrome le jour de la fête et va supplier le parti vert de les aider. Mais ils restent silencieux. Alors elle se tourne vers le parti bleu qui accepte de les aider. Théodora n’oubliera jamais, et la force de sa mère et le mépris du parti vert.
Mais le fait de demander quelque chose publiquement ne se faisait pas, alors la mère de Théodora, puis elle-même aura par extension une réputation de fille publique. D’autant qu’après, elle devient danseuse et actrice lesquels ont mauvaise réputation.
Puis Théodora devient la maitresse d’un haut fonctionnaise syrien Hékébolos et le suit à Apollonia au nord de l’actuelle Libye. Quand il la chasse, elle a acquit une première expérience de la vie politique et culturelle. Elle a 16 ans.
Elle décide de revenir à Constantinople. En faisant appel au Parti Bleu, elle est accueillie à Alexandrie en Egypte, apprend à lire et à écrire et rencontre le patriarche Timothée IV d’Alexandrie qui la convertit au culte monophysite (une doctrine christologique du Vᵉ siècle).
Elle rentre enfin à Constantinople en 522, toujours grâce à ses relations avec le Parti Bleu elle rencontre le nouveau consul, Justinien, magister militum praesentalis. Ils ne parlent pas la même langue lui pratique le latin, la langue de l’administration, elle le grec qui était la principale langue de communication dans l’Empire. Ils n’ont pas la même religion, elle est monophysite, lui est dyophysite une forme d’orthodoxie. Malgré tout, ils tombent amoureux et passionnément.
Il obtient d’abord de son oncle, l’empereur Justin Ier, que soit accordé à Théodora le rang de patricienne, puis fait abroger pour elle l’interdiction pour les anciennes actrices de contracter un mariage. Et enfin leur mariage est célébré le 1er août 525. Lorsque Justin Ier meurt en 527, Justinien est couronné empereur. Privilège rare, Théodora revêt la pourpre en même temps que lui dans la basilique Sainte-Sophie, ce qui l’associe pleinement à l’Empire et fait d’elle une impératrice à part entière. Elle prend alors le titre d’Augusta.
En femme d’Etat, Théodora conseille souvent Justinien et participe à ses conseils d’État. Réciproquement, ce qui est totalement exceptionnel, Justinien la désigne comme son « partenaire » dans ses délibérations et veille à ce que ses hauts fonctionnaires lui prête le même serment qu’à lui. Elle a sa propre cour, son entourage officiel et son propre sceau impérial. Et lorsque le trône vacille en janvier 532 lors de la Sédition Nika, c’est elle qui sauve la situation.
Elle participe directement au Code Justinien, une réforme juridique destinée à unifier et synthétiser l’ensemble des lois romaines existantes. Elle y fait ajouter un nouveau statut pour la femme dans le cadre familial, la possibilité pour les épouses de demander le divorce, le droit aux filles d’accéder à leur héritage, la protection de leur dot en cas de veuvage, des mesures de protection à l’égard des comédiennes et des courtisanes, l’allégement des peines pour les femmes adultère, des lois contre la « traite des blanches » et contre le proxénétisme. En cela c’est une des pionnières du féminisme.
En 542, une violente épidémie atteint Constantinople (c’était la peste bien sûr, pas le coronavirus). Justinien est touché. Théodora le remplace carrément dans la gestion de l’Empire.
Elle meurt, probablement d’un cancer du sein le 28 juin 548, 17 ans avant Justinien. Elle est enterrée en l’église des Saints-Apôtres à Constantinople. Toujours profondément amoureux, Justinien ne se remettra jamais de la mort de sa femme.
En 1204, les sépultures de Théodora et Justinien sont pillées par les croisés lors du sac de Constantinople.
Deux siècles plus tard, en 1453, les Ottomans prennent Constantinople, mettant définitivement fin à l’Empire Byzantin et les restes de Théodora et de Justinien disparaissent à jamais.
On connait son histoire par son principal biographe, le chroniqueur Procope de Césarée, qui sera aussi un de ses détracteurs et créera l’image de putain qui lui est souvent, à tord, associée. Mais cette femme exceptionnelle inspire jusqu’à aujourd’hui de nombreux artistes : auteur, peintre comme Benjamin Constant, actrice comme Sarah Bernard et même cinéaste.
Le plus beau portrait qui reste d’elle est la magnifique fresque de mosaïque de la basilique Saint-Vital située à Ravenne en Italie. Et pourtant Théodora n’y a jamais résidée.
En fait, Ravenne était alors la capitale de l’Empire d’Occident car Rome est d’abord assiégée par les rois barbares, puis l’Italie est gouvernée par les empereurs byzantins jusqu’au milieu du VIe siècle. C’est donc en hommage à ce gouvernement byzantin que 2 grands panneaux muraux de mosaïques, disposés face à face, ornent l’abside de la Basilique.
Représentant les cortèges présidés par le couple impérial, Justinien et Théodora, ces mosaïques sont probablement les plus célèbres de l’art byzantin. On voit dans un rutilement d’or, Théodora et sa suite de dames de compagnie et de chambellans, offrir un calice au Christ. L’impératrice est magnifiée par une niche décorative toute dorée, et s’apprête à franchir une porte qui la mène vers le Christ. Les détails sont luxueusement ornés, les bordures rehaussées de gemmes et de perles. Elle porte de très riches bijoux.
Les bijoux byzantins sont toujours en or et utilisent toutes les techniques : repoussage, moulage, filigrane, émaillage, sertissage de pierres précieuses et fines. L’art byzantin est opulent et le style oriental accentue cette caractéristique. Les volumes sont imposants. Théodora vêtue d’un paludamentum pourpre est parée d’une coiffe en or couverte de pierreries surmontées d’autres pierres précieuses qui forment une tiare. Cette couronne est dotée de perles de visage qui sont si longues que des côtés de la tête les chaines empierrées tombent sur sa poitrine, ce type de couronne s’appelle praipendula. Ses pendants de ses boucles d’oreilles aux grosses pierres centrales sont si longues qu’elles descendent sur son buste. Le pectoral au milieu de sa poitrine est tenu par une collerette constellée de pierres précieuses que l’on appelle un superhumeral.
Les couturiers et joailliers ont été fascinés par ce luxe byzantin, magnifié par Théodora.
On connait ainsi les splendides bijoux de Robert Goossens pour Chanel, de Dior mais aussi ceux de Dolce Gabanna ou de Christian Lacroix.
Et si vous aimez une inspiration byzantine où l’or s’affirme avec un porté plus modernisé allez voir du côté d’Esther Assouline qui associe à merveille l’éclat solaire de l’or aux diamants comme aux tourmalines.