J’ai eu la chance d’être conviée au vernissage de la splendide exposition qui s’appelle tout simplement « Pierres Précieuses » et vient de s’ouvrir à Paris à la Grande Galerie de l’Evolution du Muséum national d’Histoire Naturelle (MNHN) avec le mécénat de la Maison Van Cleef & Arpels.
Alors aujourd’hui, je vous emmène avec moi dans ce voyage fabuleux qui va de la minéralogie vers la gemmologie et qui s’épanouit dans la joaillerie. Il était une fois, au cœur des joyaux de la terre la naissance des pierres précieuses.
Cette exposition a commencé pour moi par de vraies rencontres humaines. Mesure de sécurité oblige, chaque journaliste avait du s’inscrire sur un créneau horaire bien défini. Et Bruno David, le Président du Museum national d’histoire naturelle avec Nicolas Bos, le Président et CEO de Van Cleef & Arpels, ont accueilli en personnes et à chaque créneau les journalistes conviés. Nous expliquant leur volonté conjointe de faire de cette exposition une réelle démarche pédagogique destinée à faire comprendre par la beauté et la fascination des pièces exposées leur respect pour les trésors de la nature et leur admiration pour les savoir-faire humains qui les magnifient.
J’ai également vu François Farges, un des commissaires scientifiques, Professeur au Muséum, spécialisé en minéralogie environnementale et patrimoniale, celui qui a reconstitué avec l’appui de l’Ecole des arts joailliers les diamants de Louis XIV rapportés d’Inde par Jean Baptiste Tavernier.
Et il y avait aussi les scénographes Patrick Jouin et Sanjit Manku.
Bref, alors que je n’avais encore rien vu et pour citer Nicolas Bos, j’éprouvai un plaisir infini à participer à un « vrai » événement, avec de « vraies » personnes et pour voir de « vrais » objets.
Dès la première marche d’escalier, j’entre dans l’ombre. Les murs peints en noir me donnent l’impression de pénétrer dans les entrailles de la terre et la première vitrine me propulse dans le vif du sujet. Je vois, dans sa gangue de marbre blanc, un rubis brut d’un couleur intense. Ce rubis s’est cristallisé il y a 33 millions d’années au Myanmar (ex-Birmanie). Puis une petite pelle de métal me présente des rubis taillés qui resplendissent de mille feux. Et enfin mon regard atterrit sur le fameux clip pivoine créé en 1968 par Van Cleef & Arpels. Vous reconnaitrez ce bijou sans problème car il constitue l’affiche de cette exposition. Une vidéo explique les étapes de la réalisation du bijou et la technique secrète du serti mystérieux qui a demandé 300 heures de travail rien que pour ce bijou.
Histoire de la terre
Les vitrines suivantes me plongent dans les trésors du Muséum national d’histoire naturelle. Les pierres brutes resplendissent de couleur et de pureté minérale. J’admire une tranche de tourmaline Liddicoatite de 490 millions d’années où s’est dessinée naturellement au Paléozoïque une pyramide en camaïeu de vert et de rose. Il y a aussi une tanzanite d’un bleu incroyable de 600 millions d’années et qui vient de Tanzanie. Le Béryl vert gemme, transparent comme l’eau d’un lac, a aussi 600 millions et vient de l’Oural.
Il y a même une agathe nichée dans un os de fémur de dinosaure du Jurassic depuis 150 millions d’année et qui vient de l’Utah.
Je vois une pièce toute feuillue de cristaux mauves hérissés, ce sont des améthystes en pétales datant du Crétacé, c’est-à-dire 100 millions d’années et qui provient de Rio Grande Do Sul au Brésil. Ou encore un minéral dressé de cubes bleutés qui sont des opales « ananas » du Crétacé et d’Australie. Un énorme morceau d’ambre resplendit d’un orange intense, il vient de la mer Baltique et date de l’Eocène c’est-à-dire 44 millions d’années.
Et j’admire un galet tout rond et doux qui est L’Occitane de Sabine. Il a été découvert dans la Montagne noire en Occitanie par Sabine Conchin en 2018 qui lui a donné son nom. C’est un galet de quartz aurifère de 99 grammes contenant 40 grammes d’or, ce qui est tellement rare en France qu’il se classe au top 10 des plus belles trouvailles aurifères depuis 2 siècles. C’est pourquoi le Muséum national d’histoire naturelle l’a acheté et le montre aujourd’hui comme une pièce exceptionnelle.
Vous verrez encore beaucoup de gemmes dans cette « histoire de la terre » mais je suis tellement éblouit que je passe à la zone de « l’histoire de savoir-faire ».
Histoire de savoir faire
L’envie de parure est tellement lié à l’humanité que depuis toujours l’homme met tout son savoir faire à créer de jolis objets témoins à la fois de la richesse de son environnement qu’à celle de sa créativité. L’exposition montre ainsi un petit coquillage perforé trouvé en Algérie et qui a 90 000 ans et est considéré comme le plus vieux bijou du monde.
Je vois aussi un cristal de roche taillé en feuille de laurier 20 000 ans avant JC au Solutréen et trouvé en Dordogne. Des disques d’ambres et de chrysoprase sont de l’Age de Bronze, c’est-à-dire 3000 ans avant JC et viennent de Pologne. Un œil d’obsidienne vient de l’Egypte pharaonique.
Plus loin, le savoir faire humain est encensé par des objets magnifiques et raffinés. Il y a une coupe en cristal de roche à la forme coquille et aux anses en arabesque qui vient de l’Italie du XVIIe.
Le coffret dit d’Anne d’Autriche tout en ambre et ivoire, a 3 étages, gravé et sculpté, témoigne parfaitement du goût du XVIIe comme du savoir faire des artisans d’art.
Il se juxtapose avec le collier indien en rubis, émeraude, diamant, perles et émaux qui soulignent parfaitement la perfection de la technique kundan du XVIIIe.
Et quand je me retourne, je suis fascinée par la gigantesque table de Mazarin. Une tonne et demie de marbre de Carrare, incrustée de lapis lazuli, de jaspes, de nacres et d’une multitude de gemmes de couleur qui dessinent sur sa surface de gracieux oiseaux au milieu d’entrelacs, des fleurs et des papillons, encadrés de symboles de guerre et de paix avec au centre une vasque drapée d’où jaillit une couronne. Cette pièce monumentale a été offerte en 1659 en cadeau diplomatique par les princes Orsini au cardinal Mazarin puis acquise par Colbert pour Louis XIV et enfin offerte par Louis XV à Buffon, le surintendant du jardin des Plantes. C’est aujourd’hui une des pièces phares des collections du Muséum et sa magnificence illustre parfaitement l’utilisation des gemmes dans les arts décoratifs.
Puis je suis téléportée directement dans l’époque contemporaine devant l’Arbre aux tourmalines de Jean Vendome. Une sculpture très architecturée où les gemmes, brutes ou taillés, sont suspendues comme des fruits ou des gouttes de rosées aux couleurs éclatantes sur les branches entremêlées à angles droits.
Des minéraux aux bijoux
Dans j’entre dans la partie « des minéraux aux bijoux » je ne sais plus où donner des yeux. Pour décrire le métamorphisme c’est-à-dire la formation et la cristallisation des minéraux depuis la formation de la terre il y a 4,56 milliards d’années, 6 phénomènes sont expliqués : la pression, la température, l’eau, l’oxygène, les fluides et la vie. Dans un parcours didactique chaque vitrine me présente un minéral brut, les gemmes taillés qui en sortent et les magnifiques bijoux qui en sont issus.
J’apprends que les cristaux grandissent. Un diamant millimétrique du Botswana a ainsi poussé pendant 2 milliards d’année. Ce sont ses inclusions de grenat qui ont permis aux chercheurs de déterminés ce record absolu. Et bien sûr je tombe amoureuse du splendide collier en platine et diamant commandé par sa Majesté la reine Nazli d’Egypte pour le mariage de sa fille avec le prince héritier d’Iran et réalisé en 1939 par Van Cleef et Arpels.
Il resplendit de 673 diamants baguettes et brillants. C’est un plastron, dont l’inspiration du pectoral égyptien s’allie aux rubans de la haute couture parisienne. Ce joyau est exposé pour la première fois en France.
Au-delà du diamant 40 autres pierres précieuses et fines sont ainsi exposées dans un dialogue concret et pédagogique entre minéralogie, gemmologie et joaillerie.
Les gemmes brutes
Je ne saurais pas vous dire ce que j’ai le plus aimé. Quelquefois la gemme brute est un bijou à elle seule. Comme les étoiles de rubellite dessinées par la nature sur leur bloc de quartz.
Ou encore les incroyables couleurs de bleu et de vert de la Pierre du roi Salomon où se sont réunit sans intervention de l’Homme la malachite, l’azurite, la turquoise, la pseudomalachite et le chrysocolle.
Il y a aussi le jaspe Orbiculaire pour lequel les scientifiques ont déterminés des bulles de gaz piégés dans le magma volcanique dont les couleurs traduisent les variations du fer au cours des temps géologiques mais pour lequel votre âme d’artiste verra le tableau abstrait d’un art contemporain inventé par la terre des milliards d’années avant nous.
Les pierres taillées
Dans les pierres taillées, la si rare topaze impériale en taille poire du brésil brille d’une incroyable couleur rouge vif.
Les améthystes des joyaux de la couronne que l’on peut admirées sont issues de la parure que Napoléon 1er offrit à Marie-Louise et que le joaillier François-Regnault Nitot, fondateur de la Maison Chaumet mettra plus de 3 ans à réunir pour créer ce joyau de la Couronne de France.
Il y a aussi les pierres polies par Roger Caillois, l’écrivain, sociologue, critique littéraire français et académicien qui portaient un véritable amour pour la beauté des pierres, les collectionnait et avait appris à les polir pour mieux apprécier les paysages qu’elles laissaient apparaitre après son intervention. Il a réalisé plusieurs ouvrages qui célèbrent cette beauté des « pierres à image » et a offert 164 pièces de sa collection au Muséum. Alors j’ai été particulièrement touchée par un onyx dont le noir se teinte de roux sur les bords de la pierre et porte en son centre une bouche aux lèvres blanches.
Roger Caillois l’avait appelé « la fissure » et lui avait dédiées ces paroles sensuelles : « Ainsi, cette fente presque close que peignent deux lèvres minces d’une fade blancheur d’orgeat au milieu d’intenses ténèbres, comme la pâle boutonnière réticente d’un sexe exsangue, celui qui est dit s’être entrouvert au ventre de l’abîme, à l’origine du temps ».
Les bijoux du patrimoine de Van Cleef & Arpels
Et bien sûr, il y a les bijoux. Ah les bijoux ! 200 pièces sorties des réserves de Van Cleef & Arpels.
La collerette de Son Altesse Royale la princesse Faiza d’Egypte créée en 1929, de style Art déco comprend 10 magnifiques émeraudes en forme de goutte magnifiées par la blancheur du platine et des diamants.
La parure Panka en turquoises, diamants et or jaune a été ramenée d’Inde dans les années 1970.
Un collier de 31 boules de la très rare et délicate jadéite Lavande pèse 930,21 carats.
Le clip Chrysanthème de 1937 devenu mythique avec 140 carats de rubis en serti mystérieux et ses volutes de 10,89 carats de diamants.
Les nécessaires d’inspirations médiévales de 1925 présentent une incroyable marqueterie de nacre, émail, diamants sur or jaune et platine.
Un sac du soir tout en perles fines date de 1933.
Le clip Jardin d’Armide de 2016 présente une incroyable opale noire de 26,22 carats.
Je ne peux vous décrire tous les colliers, les bracelets, les clips, en bois d’amourette, bois fossiles, corail, péridot, perles, saphirs, malachite, grenat, calcédoine… il faut les voir !
La dernière partie de l’exposition à travers des vidéos et des parcours intéractifs met en scène Paris comme lieu de savoirs et de savoir faire joaillier depuis le XVIIe siècle. De la recherche en minéralogie aux artistes, on mesure l’inspiration constante que sont les minéraux. On comprend comment des pièces historiques, comme la toison d’or de Louis XV, a pu être reconstituée. Et on peut admirer une surprenante création des ateliers Van Cleef & Arpels conçue spécialement pour l’exposition. Un rocher aux merveilles de 6,2 kg de lapis-lazuli monté sur un socle en quartz blanc, avec une forêt de 32 cristaux naturels de tourmaline bicolore et orné de 10 créations joaillières d’exception. Un véritable chef d’œuvre.
Cette exposition Pierres Précieuses est ouverte tous les jours sauf le mardi jusqu’au 14 juin. En raison des règles sanitaires, il faut bien sûr réserver un créneau horaire, je vous mets le lien (ici).