#31 Les secrets des trembleuses

By Anne Desmarest de Jotemps
0

La trembleuse apparait au alentour du XIXe siècle. C’est, suivant le dictionnaire de la joaillerie : « un motif joaillier, souvent en forme de fleur d’insectes, de papillon,… placé au bout d’une monture faisant ressort de façon à trembler à chaque mouvement ».

trembleuse - Cornette de Saint Cyr
Trembleuses- Cornette de Saint Cyr

Le charme de ces bijoux en trembleuse c’est la composition qui est réalisée. Par exemple on va avoir un branchage entremêlé de feuilles et de fleurs épanouies ou en bouton, et les fleurs vont osciller et on va avoir l’impression que le vent les agite naturellement, donnant à la fois un réalisme surprenant et une légèreté au bijou.

définition de tremblants

La technique des trembleuses

La trembleuse est un montage sur ressort et le ressort en soi n’est pas une innovation. Je n’ai pas dit non plus que c’était facile. De nombreux systèmes ont été inventés, à partir d’un fil simple ou enroulé, ou encore d’une bande plate enroulé dans un tube.

Trembleuses - Aguttes
Trembleuses – Aguttes

Ces ressorts pourraient s’apparenter à ceux des systèmes horlogers, ce sont des ressorts à l’horizontal. Comme analogie on pourrait dire comme un serpent enroulé sur lui-même. Le contraire du ressort horizontal c’est le vertical, celui là on le trouve dans les stylos Bic 4 couleurs, le ressort s’enroule le long de la recharge d’encre de façon verticale.

un schéma de trembleuses dessiné spécialement par Jean-Jacques Richard spécialement pour Il était une fois le bijou
un schéma de trembleuses dessiné spécialement par Jean-Jacques Richard pour Il était une fois le bijou

Donc dans les trembleuses se sont des ressorts horizontaux. Ils sont très petits et il faut qu’ils soient placés de façon à ce qu’on ne les remarque pas. Le joaillier va fabriquer une mini boite pour caler son ressort dedans, un peu comme les boites où on mettait les vieux films de cinéma, mais en vraiment mini tout petit. Et le joaillier va ajuster la tension du ressort à partir du centre de la boite sur un petit ergot, l’enrouler tout autour et caller l’extrémité du ressort sur le bord interne de la boite. Puis il va mettre une sorte de couvercle pour rentrer la tige de la tremblante avec un trou au milieu pour l’objet qui va vibrer.

Mais la vraie difficulté quand on réalise un ressort c’est de maîtriser le métal. C’est le premier secret du joaillier qui fait des trembleuses. La faculté du métal est d’être rigide pour garder sa forme avec une souplesse, relative, pour ne pas être cassant.

monture de trembleuse
monture de trembleuse

Certains métaux sont plus mous que d’autres. Encore une fois c’est relatif. Un métal aussi mou qu’une pâte à modeler ne pourrait pas servir à faire des bijoux. Pour les trembleuses, les joailliers utilisent de l’or gris, on l’appelle aussi or blanc. Il est composé de 75% d’or et 25 % d’argent. C’est donc un or 18 carats.

broche lilas par Boucheron 1880
Broche lilas par Boucheron 1880

Et c’est là que les joailliers utilisent leur 2e secret : la maitrise de la trempe. La trempe c’est faire chauffer le métal jusqu’à une température où les éléments chimiques du métal changent en fonction de ce qu’on veut obtenir puis à refroidir le métal rapidement pour que ces mutations chimiques restent stables. Dit comme ça va peut paraitre abstrait mais ce qu’on veut c’est que notre ressort soit suffisamment souple pour tenir les nombreuses tensions et détentes qui font qu’il serve de ressort et en même temps suffisamment solide pour ne pas se déformer. Là est aussi l’art du joaillier ! On m’a dit que la recette magique c’était de le chauffer le métal du ressort jusqu’à le bleuir puis de le plonger dans l’huile !

Les trembleuses sont démontables

Un autre secret du charme des trembleuses c’est que c’étaient bien souvent des bijoux démontables. Bien sûr il y a des broches relativement petites qui comportent une fleur qui bouge. Mais les plus belles pièces sont de véritables ornements de coiffure ou de corsage. Grâce à d’astucieux systèmes de vis, le bijou se démontait en plusieurs pièces : le motif central devenait broche, avec plusieurs clips ou même des piques à cheveux ou des clips.

Ces bijoux étaient présentées dans des coffrets où l’on voyait une merveille végétale toute en diamants. On soulève le plateau, et on trouve toutes les attaches pour les différents portés et les instruments pour démonter le bijou. On trouve encore ces splendeurs dans les salles des ventes mais les coffrets complets sont rares car souvent les familles se sont partagées les éléments du bijou. Pour son mariage, Charlène de Monaco portait sur son chignon une sublime composition en trembleuse appartenant à la famille royale monégasque et prêtée par sa belle soeur Caroline.

la broche trembleuse de Charlène de Monaco
la broche trembleuse de Charlène de Monaco

Le dernier secret des trembleuses est celui de la séduction

A la grande époque des trembleuses, le corps des femmes était encore très contraint. Depuis la Renaissance, le corset emprisonnait tout le corps et lui donnait une taille de guêpe, certes, mais aussi un maintien rigide. La pièce de busc consolidait la rigidité souhaitée. Le busc c’est un élément rigide placé au centre devant le corset. Une sorte de triangle dont la base se place à peu près au milieu des seins et dont la pointe descend suivant la mode et l’époque sous le nombril ou jusqu’au dessus du pubis.

Melerio-Borgnis - Mely-Mure
Melerio Borgnis -Mely-Mure

Cet élément donne sur la robe un grand emplacement plat que l’on décore avec des pierres et des perles cousues sous la Renaissance, avec des rubans et des ruchés sous la Pompadour, ou  avec des bijoux. La grande taille des bijoux en trembleuses qui peut aller jusqu’à 60 cm permet de le positionner de la base du busc en soulignant un sein et en remontant jusqu’à l’épaule, car en soirée bien sûr, on doit avoir les épaules dégagées.

trembleuses - Christie's
trembleuses – Christie’s

Tous les joailliers créaient des trembleuses. Parmi eux, Boucheron est très connu pour en avoir réalisé de remarquables. En hommage à un collier créé en 1881, la maison Boucheron a sorti en 2017, un Collier « Lierre de Paris » en or blanc avec 44,19 carats de diamants, fidèle au style de l’époque jusque dans le détail de ces neuf feuilles ajourées montées sur trembleuse.

Lierre de Paris - Boucheron - trembleuses
Lierre de Paris – Boucheron – trembleuse

Un an plus tard, Boucheron réalise un véritable exploit avec le collier Lierre Givré. Un collier en titane qui peut se déplier entièrement, où les feuilles de lierre ont été numérisées pour plus de réalisme et bordées de cacholong et où chaque feuille est animée d’un trembleur. 

Lierre givré - Boucheron - trembeluse
Lierre givré – Boucheron – trembleuses

Toujours sur la place Vendôme, La Maison Résa avait aussi réalisé en 2019 un collier tout en diamants, avec 3 fleurs en diamant et cœur de précieuses montées en trembleuses sensibles.

trembleuse de Réza

Si vous préférez les montures anciennes vous les trouverez aux enchères, j’en avais vu une très mignonne à Drouot.

trembleuse vue à Drouot

Il reste un dernier secret de trembleuses mais c’est une légende. On m’a raconté qu’au XIXe, en plus des vêtements rigides, le comportement des femmes devait être réservé. Ne pas danser plus d’une fois avec le même jeune homme sauf si on lui était promise par exemple. Cette retenue ne favorisait pas la communication. Alors on m’a dit que sous les lustres, le mouvement des trembleuses en plus de briller de mille feus était un indicateur de sentiment. Si Monsieur contait fleurette à Mademoiselle, celle-ci ne pouvait décemment montrer trop d’enthousiasme. Mais monsieur pouvait en surveillant le degré d’oscillation des trembleuses découvrir à quel point son discours émouvait sa belle dont la respiration se précipitait et agitait ainsi les bijoux de son corsage.

trembleuses Mellerio
Trembleuses Mellerio

Leave a comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *