Les conceptions du diamant sont pérennes et pourtant variables aussi entrainent-elles un engouement tout aussi permanent qu’ambivalent. En effet, le diamant évoque l’éternité et la malédiction, le pouvoir et la destruction, l’invincibilité et la mort. Bref, le diamant reflète toutes les passions humaines sur lesquelles sont projetées les aspirations à un au-delà sublime.
Alors j’ai choisi ici de ne vous parler que des légendes. N’y chercher donc pas d’autres vérités que celles auxquelles vous aurez envie de croire. Pour creuser la thématique du diamant je vous invite sur mon autre podcast « il était une fois le bijou » dans la saison Diamant Forever pour 5 émissions qui feront un tour du sujet.
L’origine divine du diamant
Pour l’instant rêvons à la filiation céleste et à l’origine divine du diamant.
Au temps des pharaons, le diamant était révéré des Egyptiens qui le plaçaient au centre du signe Ankh, le hiéroglyphe qui signifie “ la vie ”. On le déposait donc au milieu de la croix ansée et il symbolisait le soleil, synonyme de force, de courage et de vérité.
Les Grecs de l’Antiquité pensaient que les diamants étaient des poussières d’étoiles tombées sur Terre ou les larmes des dieux c’est-à-dire de précieuses particules célestes. Il y a même un mythe qui explique que c’est Chronos qui aurait changé un jeune homme appelé Diamant en pierre précieuse.
Et pour les Romains, le diamant, indestructible, était situé à la pointe des flèches que Cupidon, le dieu de l’amour, envoyaient pour toucher ses cibles d’un sentiment indestructible.
De la pensée au Verbe, le langage s’est structuré autour des appellations grecque et latine pour former le mot diamant.
Le terme « adamas » (Ἀδάμας) vient du grec ancien qui signifie indomptable, inflexible, inébranlable. Aujourd’hui encore le mot « adamant » équivaut à « catégorique » et on parle d’une volonté « adamantine » pour signifier un caractère inébranlable. Alors que l’adjectif adamantin signifie toujours « qui a l’éclat du diamant » !
Venu du grec donc, « adamant » désignait les métaux les plus incroyablement durs avec lesquels les Dieux forgeaient leurs armes et leur équipement et dont seuls ils avaient le secret de fabrication : le casque d’Hercule, la faux de Saturne, la charrue d’Æétès ou les chaînes de Prométhée étaient donc réputés en adamant.
En bas latin « diamas » désigne également les métaux les plus durs mais s’y ajoute la notion d’aimant dans l’acception d’attirance comme par exemple pour désigner la magnétite.
Le diamant Vajra
En Inde, parce qu’il ne faut pas oublier que les diamants viennent d’inde et que dès le IVe siècle avant JC, les textes sanskrits indiquent le commerce du diamant et même les impôts prélevés sur leur exploitation par le premier empereur des Indes
En Inde, donc, c’est le Dieu Indra qui confia son arme qui était la foudre au premier ascète Dadhichi. Quand l’ascète se lasse de ce job de gardien, il dissout magiquement la foudre et l’avale. Evidemment c’est à ce moment qu’Indra est menacé alors il fabrique une arme avec la colonne vertébrale de l’ascète à la demande expresse de ce dernier. Le Dieu gagne son combat et se trouve donc en possession d’une arme redoutable devenue doublement magique puisqu’elle combine la force de la foudre et une nouvelle invincibilité. Le mot sanskrit est « vajra » ((वज्र)) et va désigner le diamant. En effet cette pierre précieuse est en forme d’octaèdre et d’une harmonie parfaite : 6 pointes aiguës, 8 facettes planes et 12 arêtes droites et tranchantes. Aujourd’hui, on désigne aussi par « vajras » les sortes de petits sceptres rituellement utilisés dans la prière avec une boule centrale et des extrémités qui tiennent graphiquement de la forme épurée de l’octaèdre du diamant et comporte quelque fois des sculptures qui font penser à la foudre.
Cette origine perçue comme divine du diamant ne pouvait que s’assortir de pouvoirs. Comme il est unanimement reconnu à cette époque que le diamant ne peut être taillé mais qu’il peut entamer les autres pierres -on sait que dès le 1er siècle, les chinois utilisaient des diamants pour tailler le jade – on lui prête une dureté que l’on confond avec l’inaltérabilité. De cette charge émotionnelle on lui prête donc des vertus d’invincibilité et de protection.
En Inde, la croyance voulait que “ celui qui porte un diamant verra les dangers se détourner ”, c’est avec cet argument magique que les marchands indiens présentaient et vendaient leurs diamants au sein de l’Empire Romain.
Le diamant est royal
Alors très vite le diamant devient l’apanage exclusif des plus puissants. En Inde les plus belles pierres sont réservées à l’élite et sont donc interdites d’exportation. C’est pourquoi, le fait que Jean-Baptiste Tavernier ait pu en ramener à la cour de Louis XIV est un tour de force extraordinaire au-delà même de la difficulté des conditions de voyage de l’époque. Et c’est ce qui explique aussi qu’il ait pu ramener le fameux diamant bleu : il était bleu ! Donc jugé moins magique, voir maléfique aux yeux du Maharadjah.
Les qualités magiques de pouvoir font que l’usage en devient interdit à ceux qui ne sont pas eux-mêmes investit de la puissance divine c’est-à-dire de sang royal et ce sera vrai jusqu’au XVe siècle. En 1270 les ordonnances du roi Saint Louis interdisent même aux femmes, princesses ou roturières de porter des pierres précieuses et donc des diamants. La légende dit que c’est Agnès Sorel, la maitresse de Charles VII qui sera la première femme à porter un diamant en 1444. En fait je n’ai pas encore réussi à trouver si c’est la première à porter un diamant ou à porter un diamant taillé qui lui aurait été rapporté par Jacques Cœur comme une nouveauté et offert par son royal amant en gage d’amour éternel. Car si au Moyen Age on frottait les diamants pour en polir les pentes naturelles les premières tailles débuterait à cette époque ne deviendraient des techniques que vers la fin du XVIe
Bref, jusqu’au XVème siècle en Occident, le port du diamant était réservé aux hommes de lignées royales qui les portent parfois sur leurs armures en témoignage de leur richesse et de leur puissance. Le symbole de pouvoir et de force est donc intimement lié au pouvoir guerrier et c’est peut-être encore cette croyance enracinée qui amènera Napoléon Bonaparte à faire sertir le Régent sur son épée de parade en 1803, son épée de sacre en 1804, puis le pommeau du glaive impérial en 1812.
Le diamant, pierre fabuleuse
Sur le chapitre de l’amour, on croyait dès le VIIIe siècle avant JC, que le diamant renforçait l’amour des époux tout en éloignant les discordes. Les Egyptiens de l’antiquité puis les grecs et les romains croyaient en l’existence d’une veine qui partait de l’annulaire et montait directement au cœur la « vena amoris », veine de l’amour. Et en 1477 l’Archiduc Maximilien d’Autriche offrit une bague de diamant à la Princesse Marie de Bourgogne pour ses fiançailles. La somme de tout cela créera notre tradition de la bague de fiançailles en diamant. Donnant ainsi au diamant un symbole qu’il n’avait pas à l’origine.
Et puis pêle-mêle on croit que cette pierre fabuleuse est parée de toutes sortes de qualité.
Pline l’Ancien, au Ier siècle avant JC parle du diamant comme d’une “joie rare de l’opulence invincible et réfractaire à toute violence qui se brise sous l’action du sang de bouc”. Le bouc, symbole du mal, de la bassesse et des forces démoniaques, s’oppose bien sûr à la pureté et au Bien dont le diamant est paré.
Au Moyen-Age, Marbode écrit dans son Lapidaire : « les diamants viennent d’Inde majeure et d’Arabie. Ceux qui viennent d’Inde sont dits mâles. Ceux qui viennent d’Arabie sont dits femelles. Le diamant mâle est brun, de la couleur de l’huile. Le diamant femelle est plus blanc et ressemble à du cristal. Aucun diamant n’est plus grand qu’une petite noix. Ils sont très durs : ils coupent le fer, l’acier et les autres pierres. Le diamant est utile aux enchanteurs. La pierre donne à l’homme qui la porte sur lui de la force et du courage, elle le protège des cauchemars, des fantômes et de toute sorte de venin. Elle fait disparaître la colère et les tensions, soigne ceux qui ont perdu l’esprit et sert à se défendre contre ses ennemis. Elle maintient l’homme au point où elle le trouve pour l’intelligence, la notoriété, la valeur et la richesse : si ces qualités n’augmentent pas, elles ne diminuent pas non plus. Elle conserve les membres et les os entiers : l’homme aura beau tomber de cheval, d’un mur ou d’une charrette, ses os resteront intacts. Elle aura plus de vertus si on la donne que si on l’achète, surtout si ce n’est pas une transaction légale. La pierre fait également disparaître les terreurs nocturnes et les pulsions sexuelles. Et celui qui la porte sur lui ne sera pas condamné à la légère, car il aura foi en Dieu Notre Seigneur. La pierre permet de garder la semence de l’homme dans le corps de la femme et fait en sorte que l’enfant naisse avec tous ses membres. Et sachez qu’elle ne se trouve jamais aussi bien sur le métal que sur l’acier. Et il faut la porter du côté gauche. ».
Avec des qualités aussi évidentes on en fait un médicament. On l’appose sur le corps ou on le réduit en poudre. On se s’apercevra du danger que quand Frédéric II d’Allemagne en 1250, puis le sultan Bajazet en 1512 et le pape Clément VII en 1534 mourront d’une overdose de diamant pilé.
Les légendes noires du diamant
Ainsi commencera les légendes noires autour du diamant. Certains seraient maudits ! Comme le fameux diamant Hope
Découvert en Inde au XVIIe siècle par Jean-Baptiste Tavernier, ce diamant bleu de 45,52 carats intègre la Couronne de France avec Louis XIV, Louis XVI et Marie-Antoinette en héritent et sont comme on le sait décapités. il est volé en 1792 à la révolution. Il réapparait aux Etats-Unis, retaillé, sous le nom de la banque britannique qui le possède Hope & Co. Après avoir provoqué dit-on la mort de ses propriétaires déchiquetés par des chiens à Constantinople, le diamant aurait contribué aussi à la folie, au suicide ou à la ruine d’autres possesseurs jusqu’à ce qu’il soit offert au National Museum of Natural History de Washington.
Autre légende, autre malédiction, celle du diamant noir le Black Orlov
Dans un temple près de Pondichéry un moine vole un fantastique diamant noir de 195 carats qui orne l’œil de l’idole sacrée. La trace karmique de ce crime est puissante et l’Œil de Brahma frappe de malédiction ses possesseurs américain, russe, italien. Entre temps, le diamant est rebaptisé Black Orlov en référence à une de ses propriétaires. Dans l’espoir de briser la malédiction, la pierre est scindée en trois morceaux dont une taille coussin de 67,5 carats. L’histoire n’a conservé la trace que de l’un des trois fragments, devenu une célébrité dans le monde de la joaillerie.
Mais pour terminer ce tour de légendes j’aimerai vous narrer la fabuleuse légende de la Vallée des diamants. Bien sûr, des textes chinois ou arabes, des « Mille et Une Nuit » aux récits de Marco Polo, les versions changent. Qu’importe au fond ! N’est-ce pas l’essence même d’une légende d’être merveilleuse et pour cela d’évoluer en incorporant les données sociétales qui lui garantisse de rester extraordinaire.
« Je m’appelle Sindbad le Marin et avant de devenir le plus riche marchand de Bagdad j’ai voyagé sur toutes les mers et vécu mille aventures… Un jour, notre bateau aborda sur une île merveilleuse. Nous y trouvâmes des fruits délicieux, des fleurs extraordinaires, des sources cristallines et des oiseaux multicolores qui chantaient à tue-tête. Cependant, pas un seul homme ne semblait vivre dans ce paradis. Je m’endormis et me retrouvais tout seul, abandonné à mon réveil. Je vis un dôme blanc monumental : c’était un énorme œuf que couvait Le Grand Roc, l’énorme oiseau légendaire. Je défis mon turban et l’entortillai à une patte de l’oiseau et quand s’envola il m’emporta avec lui et je fus transporté au fond d’une vallée encaissée qui scintillait de mille feux. Le sol était jonché de diamants qui reflétaient les lueurs de l’aube. Jamais je n’avais admiré un tel trésor, même dans les plus riches demeures de Bagdad ! et tout autour sifflaient d’innombrables serpents. Soudain, quelque chose tomba à côté de moi : un mouton ! C’étaient des chercheurs de diamants qui les jetaient du haut de la falaise pour que les diamants s’accrochent à la laine épaisse des moutons que les aigles venaient ensuite chasser.
Enfin, je tenais mon unique chance de quitter cet endroit infernal ! D’abord, je remplis mes poches de diamants. Puis je choisis le plus gros mouton, et, après avoir déroulé mon turban une nouvelle fois, je m’agrippai de toutes mes forces à l’animal. Bientôt un aigle aux ailes immenses saisit le mouton et m’emporta ainsi jusqu’à son nid.
Voilà, comment se termina cette incroyable aventure. Depuis, j’ai vendu tous mes diamants, à l’exception d’un seul, que je garde en souvenir de cette vallée dont nul ne revient, mais à laquelle, moi, Sindbad, je dois ma fortune ! »