La « Pérégrina » est un mot espagnol qui signifie la « Pèlerine » ou la « Vagabonde », la perle qui porte son nom le mérite d’autant plus que son histoire rocambolesque et romantique et s’étend sur plus de 500 ans , qu’elle a voyagé de l’Afrique à travers l’Europe à appartenue à plusieurs roi et reine pour finir au cou d’Elisabeth Taylor avant d’être vendue aux enchères chez Christie’s New York.
Les origines africaines de la Pérégrina
En temps que perle, c’est une perle en forme de poire parfaitement symétrique. Ce qui est déjà une exception. Et elle a gardé tout son éclat, sans être altérée par les outrages du temps ce qui est également exceptionnel. Ensuite, son poids est lui aussi hors-norme. Elle pèse très exactement 202,24 grains, soit 50,56 carats. Au moment de sa découverte, c’était la plus grosse perle jamais trouvée.
On raconte qu’au départ elle pesait 55,95 carats et que son poids s’est réduit parce qu’on l’avait nettoyée et polie ou encore qu’à l’époque où elle appartenait encore au royaume d’Espagne, elle était pesée avec le petit anneau d’or qui la surmontait. Bref, avec ses 50,56 carats, elle n’est pas la plus grosse perle au monde car, il en existe 8 perles connues de taille supérieure, mais elle n’en est pas moins remarquable.
La Pérégrina est découverte au milieu du XVIe par un esclave africain en 1579 sur la côte de l’île de Santa Margarita dans le golfe de Panama. Certaines histoires racontent que la perle aurait été trouvée en 1513, mais, à cette période, il n’y avait aucun esclave sur l’île. La perle est remise à don Pedro de Temez, l’administrateur de la colonie espagnole de Panama. En remerciement, l’esclave est affranchi. Pedro de Temez apporte la perle en Espagne, l’expose à La Casa de Indias, un organisme qui réglementait le commerce maritime entre les colonies et l’Espagne. Elle est d’abord destinée à être vendue à Rodolphe II de Habsbourg, grand collectionneur de gemmes et l’ambassadeur d’Autriche en Espagne avait déjà été chargé des négociations. Mais dès que Philippe II d’Espagne voit la perle, il la veut : La transaction eut lieu en 1582 en échange d’un peu moins de 9000 ducats.
La pérégrina aux royaumes d’Espagne
On raconte que Philippe II d’Espagne aurait eu le projet d’offrir la Pérégrina comme cadeau de fiançailles à Marie Ie d’Angleterre. En fait il l’offre à sa fille aînée, Eugénie, avant de la récupérer en 1588 pour la conserver dans le trésor de la couronne d’Espagne. On pense qu’il ne voulait pas se séparer de la Pérégrina, ni de la voir partir soit en Angleterre, soit dans la dot de sa fille.
La perle était accrochée à une broche sertie d’un diamant de 48 carats, appelé El Estanque, et qui était considéré comme le plus gros diamant en Europe à l’époque. On imagine à quel point le bijou devenait mythique avec une perle fabuleuse et un diamant d’exception !
De nombreuses reines l’ont porté : de Marguerite d’Autriche-Styrie, épouse de Philippe III, d’Elisabeth de France et Marianne d’Autriche, les épouses successives de Philippe IV. Philippe III lui même l’a arboré sur son chapeau.
Mais elle était propriété de la couronne d’Espagne, donc aucune reine n’a pu le transmettre en prenant le risque qu’elle quitte l’Espagne. Chaque fois qu’un roi d’Espagne mourrait, on faisait l’inventaire des joyaux de la couronne et La Pérégrina faisait bien partie de l’inventaire. On en prenait grand soin car chaque fois qu’elle n’était pas portée, la pérégrina était déposée dans un petit cocon d’or fait à sa mesure et qui s’ouvrait en deux. Ces précautions sont certainement la cause du merveilleux état de conservation de la perle.
8 rois d’Espagne avaient déjà portés, et préservé La Pérégrina, quand Napoléon Ier envahit l’Espagne en 1808 et confie le trône à son frère aîné, Joseph Bonaparte. L’occupation française durera 6 ans jusqu’en 1813, où les français perdent la bataille de Vitoria. En rentrant en France, Joseph Bonaparte emporte avec lui La Pérégrina. Après son décès, en 1844, Charles Louis Bonaparte, le futur Napoléon III, hérite de la perle. Mais comme il avait besoin d’argent, la Pérégrina est vendue en 1848 à James Hamilton, premier duc d’Abercorn. Le duc l’offre à son épouse Louisa Hamilton. La légende raconte qu’elle aurait failli la perdre à deux reprises, une fois dans la profondeur d’un sofa du château de Windsor et la seconde fois lors d’un bal à Buckingham.
L’amour de Liz Taylor pour la Pérégrina
La Pérégrina réapparait en 1969 lors d’une vente aux enchères chez Sotheby’s à Londres. C’est là que Richard Burton l’achète 37 000 dollars pour l’offrir à Elizabeth Taylor à la Saint-Valentin.
La Pérégrina arrive donc à Los Vegas. Elizabeth Taylor la porte dans le film Anne des mille jours tourné en 1969. La Pérégrina est alors montée sur une fine chaîne de perles naturelles. Et Elisabeth Taylor la perd dans une suite du Caesar’s Palace le jour même où elle la reçoit !
Elle veut toucher sa perle et raconte : «Elle n’était plus là! J’ai regardé en direction de Richard et, Dieu merci, il ne me regardait pas. Je suis allée dans la chambre, je me suis jetée sur le lit, j’ai enfoui ma tête dans l’oreiller et j’ai crié. […] Très doucement, et très précautionneusement j’ai refait le trajet dans la chambre. J’ai ôté mes mules, mes bas, je me suis mise à genoux, cherchant partout. Rien. Je me suis dit qu’elle devait se trouver dans la salle de séjour, là où était Richard. Que faire? Il va me tuer! Il adorait cette pièce. Tout ce qui relevait de l’histoire revêtait une importance particulière à ses yeux. La Pérégrina est unique dans le monde du bijou. Et je savais qu’il en était fier […] J’ai vu un de nos pékinois en train de mâcher un os. Et soudain, je me suis dit que nous ne donnions pas d’os à ronger à nos chiens, surtout pas à des bébés. Qu’était-il en train de mâcher alors? […] J’ai ouvert sa gueule, et à l’intérieur, il y avait la perle la plus parfaite du monde. Et elle n’était, Dieu merci, pas abîmée.»
Elizabeth Taylor demande alors à Cartier de lui créer une parure pour mettre en scène, et en sécurité, la Pérégrina. Les dessins du projet montrent un collier monté sur or jaune, Liz Taylor note directement sur le gouaché à l’encre rouge qu’elle souhaite une monture platine. Elle portera souvent son bijou composé maintenant de perles, de diamants et de rubis et de La Pérégrina.
En 2005, Elizabeth la prête à la Smithsonian Institute pour leur exposition « The Allure of Pearls ».
La Pérégrina vendue par Christie’s New York
En décembre 2011, lors de la vente chez Christie’s-New York de la collection d’Elizabeth Taylor, l’année de sa mort, la Pérégrina est mise aux enchères. Sa valeur est estimée à 3 millions de dollars.
Mais la Pérégrina que les espagnols appelle « The Pilgrim » c’est-à-dire « La Perle des Perles », la seule perle dont on puisse retracer les origines depuis le premier jour de sa découverte, explose les prévisions les plus folles et atteint 11,8 millions de dollars, soit plus de 300 fois, le montant payé par Richard Burton, en 1969.